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À l’origine et au cœur de ce livre se trouve une question : comment écrire une histoire comparée des femmes ? Quatre grandes historiennes américaines, Ann Taylor Allen, Bonnie S. Anderson, Karen Offen et Susan Pedersen ont accepté de relever le défi. Concentrant leurs regards sur l’Europe et les États-Unis, du xviiie à la fin du xxe siècle, les auteures se proposent d’offrir de nouvelles perspectives sur cette histoire, d’analyser sous différents angles les promesses d’une telle entreprise et d’en souligner les écueils. Visant à mieux faire connaître en France les recherches en histoire comparée des femmes, ce livre, initialement paru aux États-Unis en 2006, révèle l’importance de ce champ d’étude pour l’histoire comparative. Sur le plan méthodologique, il donne une plus ample connaissance des différentes historiographies et montre combien le dialogue peut se révéler fécond et stimuler d’autres formes d’écritures.

L’objet de cet ouvrage est d’offrir de nouvelles perspectives sur l’écriture de l’histoire comparée des femmes, d’analyser sous différents angles les promesses d’une telle entreprise et d’en souligner les écueils. Une question est à l’origine et au cœur de ce livre : comment écrire une histoire comparée des femmes ? Quatre grandes historiennes américaines ont accepté de relever le défi ; concentrant leurs regards sur l’Europe et les États-Unis, du xviiie à la fin du xxe siècle, elles exploren...

Ce que j’ai découvert Dans les années 1970, alors que je travaillais à une histoire narrative des femmes en Europe, je suis tombée sur une lettre datée de 1851 que deux féministes françaises avaient envoyée depuis leur prison à leurs « sœurs » à l’étranger ; elles demandaient de l’aide pour l’organisation de la lutte des femmes dont le but était leur « égalité civile et politique et le droit social pour tous ». Une copie de la lettre avait été envoyée aux Américaines, qu’une première conventi...

L’injonction de E. M. Forster « only connect » pourrait servir de devise à tous ceux et toutes celles qui enseignent et écrivent l’histoire aujourd’hui, et qui doivent se débrouiller pour trouver des connexions entre des histoires depuis longtemps considérées comme uniques et séparées. Quand j’ai commencé, dans les années 1970, à donner des cours d’histoire dans une grande université publique américaine, la discipline était toujours telle que l’avaient bâtie ses fondateurs allemands du xixe s...

Le féminisme n’a jamais occupé une place d’honneur, ni dans l’étude et l’enseignement des histoires nationales en Europe, ni dans les approches plus comparatives d’historiens extérieurs à l’Europe. Il faut que cela change. J’affirme ici qu’il mérite une place non seulement importante mais centrale. Connaître les histoires des féminismes (oui, au pluriel) sur le continent européen peut assurément transformer profondément notre compréhension du passé de chacun des pays et notre appréhension gén...

Resume : Cet article brosse un portrait intellectuel de l'historien du droit Emile Jobbe-Duval. Il examine plus particulierement comment, dans ses travaux d'histoire comparee du droit, l'auteur utilise la litterature anthropologique evolutionniste de la charniere des xixe et xxe siecles, et ce que ce croisement intertextuel produit. Cette contribution invite par consequent a reevaluer l'apport francais a l'histoire de l'anthropologie juridique, souvent minore. Il semble au contraire que l'œuvre des juristes francais de la Belle Epoque ait ete profondement innervee, par le biais de l'intertextualite, par les reflexions anthropologiques agitant la fin du siecle. Abstract : This paper sketches the intellectual portrait of Roman law professor Emile Jobbe-Duval. It tries to analyse the way the author combines legal history with the anthropological and evolutionnist literature of the end of the 19th and the beginning of the 20th century. This article therefore reassesses the contribution of the French jurists to the making of legal anthropology. Their works have indeed been deeply influenced by their anthropological readings, which they have mobilised by using intertextuality. Mots cles : Jobbe-Duval, Emile – Droit-Histoire – methode comparative – anthropologie juridique – evolutionnisme – folklore – intertextualite Keywords : Jobbe-Duval, Emile – legal history – comparative law – anthropology – evolutionism – folk law – intertextuality

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Qu’est-ce que la comparaison ? En quoi est-elle utile au raisonnement historique, et plus généralement aux sciences humaines et sociales ? De l’histoire comparée proposée par Marc Bloch aux débats les plus récents sur l’histoire transnationale et connectée, ce dictionnaire offre un large panorama des références, des concepts, des débats, des méthodes et des outils essentiels à la mise en œuvre de la démarche comparatiste, à la fois dans l’espace et dans le temps. Ses courtes notices seront utiles à celles et ceux qu’intéresse cette approche, qu’il s’agisse de la pratiquer, de la penser ou de la critiquer, notamment en histoire moderne et contemporaine. Le classement des quatre-vingt-quatre entrées en plusieurs rubriques — » Épistémologies », « Boîte à outils », « Groupes sociaux », « Pratiques politiques », « Cultures européennes », « Lieux », « Croisements », « Temporalités » et « Collectifs » — éclaire les axes et les enjeux explorés par les auteurs ici rassemblés. Principalement historiens et historiennes, sociologues ou spécialistes de littérature, ils ont pour point commun de dialoguer avec la pensée de l’historien Christophe Charle, dont toute l’œuvre s’est efforcée de proposer une histoire sociale et culturelle comparée à l’échelle de l’Europe.

À première vue, il semblerait que le comparatisme soit une méthode univoque, base de toute approche scientifique puisqu’on ne peut guère établir de règle sans collecter des données et mettre en regard les similitudes et les différences. Le comparatisme, historique, littéraire ou linguistique, résulterait d’une analyse de ces parallélismes. Pourtant force est de constater que le terme « comparaison » revêt des sens différents dans les différentes langues ou plutôt qu’il a des connotations diff...

L’élection de Ronald Reagan à la présidence des États-Unis a marqué un tournant dans la façon dont le pays réglait ses problèmes, laquelle consistait jusqu’alors à adopter des approches centrées sur l’État. Son accession à la Maison-Blanche a également clos un chapitre historique pour l’Amérique, celui du New Deal. La France a eu, elle aussi, des contacts étroits avec ce qu’elle appelle le néolibéralisme. Le très apprécié Commissariat général au plan de Jean Monnet n’existe plus et les secteu...

Parmi les grandes révolutions du xixe siècle, celle de 1848 se prête sans doute mieux qu’aucune autre à l’approche comparatiste, tant la simultanéité des événements dans plusieurs territoires et les circulations à différentes échelles y furent nombreuses et modelèrent en profondeur le cours de l’histoire. Cette dimension internationale de la « plus européenne des révolutions du xixe siècle » a déjà été maintes fois soulignée, même si longtemps les récits prirent place dans un cadre essentiell...

Dans les années 1820, lorsque Hegel acheva la construction de son ambitieux système philosophique, il avait en France un impact très limité. Nous avons compté la fréquence de l’apparition du mot « Hegel » dans la littérature française de la période 1800 à 2000 présente sur Google. Si, aux alentours de 1840- 1845, l’apparition du terme « Hegel » marque une nette tendance à la hausse, cela correspond à la période au cours de laquelle Victor Cousin s’efforça de réformer les programmes d’études p...

Depuis longtemps, le discours officiel et corporatif souligne la place éminente de la France dans l’aventure de la préscolarisation. N’a-t-elle pas fourni à l’Organisation mondiale pour l’éducation préscolaire (OMEP) l’une de ses trois premières « présidentes-fondatrices », Suzanne Herbinière-Lebert, entre 1950 et 1954 ? Occupé, au xixe siècle, la première place dans la proportion d’enfants de 2 à 6 ans préscolarisés (40 % dès 1881) ? Et même, si l’on en croit les comparaisons effectuées par ...

L’ordre ancien européen pourrait se définir comme un système politique fondé sur le droit dynastique et les traités diplomatiques ; un système économique, qui fait de la grande propriété foncière la principale source de richesse ; et un système social qui confère aux élites nobiliaires les fonctions dirigeantes dans le cadre monarchique. Cette Europe des rois et des princes, profondément hiérarchisée et inégalitaire, perdure jusqu’en 1914. Comme Arno Mayer l’a montré, les noblesses constituen...

En 1995, l’historien allemand et grand comparatiste Harmut Kaelble dressait pour Actes de la recherche en sciences sociales une « liste des ouvrages et articles comparatifs européens en histoire sociale de l’Europe aux xixe et xxe siècles ». L’Allemagne figurait dans près des deux tiers des comparaisons (soit 90 des 139 travaux citant nommément les territoires comparés, sur 219 travaux au total). La Grande-Bretagne, la France et, dans une moindre mesure, les États-Unis servaient fréquemment d...

L’intérêt de l’historiographie pour les après-guerres date des années 1990- 2000. La fin de la guerre froide a alors conduit à une réflexion plus aboutie sur les temporalités et la durée des conflits contemporains, ce qui a, en outre, amené les historiens à interroger la sortie effective des épisodes guerriers. Il s’agit, dans un premier temps, d’explorer les effets à long terme de la Seconde Guerre mondiale, aussi bien sur le plan politico-économique que culturel, avec une tendance à repouss...

Le terme « transnational » est devenu assez courant après la Seconde Guerre mondiale pour désigner des phénomènes empiriques qui débordent les frontières des États-nations : institutions politiques et administratives, associations, groupes, entreprises, individus. Dans ce sens (référé à des propriétés de l’objet), il est souvent employé par des juristes, des politologues et aussi par des historiens, notamment à propos de réalités perçues comme « transnationales » : capitalisme, colonialisme, ...

On cite souvent le propos de Durkheim sur l’importance de la méthode comparative en sociologie sans évoquer son cadre problématique. Ayant à justifier la constitution d’une nouvelle science, Durkheim doit d’abord en défendre les frontières par rapport à des disciplines plus ou moins anciennes, notamment la biologie et la psychologie, et cette exigence est illustrée par le fameux précepte « expliquer le social par le social » : le raisonnement sociologique enferme une attention pour des variat...

« Les relations internationales sont l’ensemble des rapports que les êtres et les groupes humains nouent entre eux à travers les frontières », propose Robert Frank à l’ouverture de l’importante synthèse qu’il leur a récemment consacrée : vue ainsi, l’étude des relations internationales apparaît comme une méthode applicable partout dans le monde, donc aussi en Asie. Pour autant, rien n’apparaît moins simple : la définition même de l’Asie reste d’abord problématique, tant le mot – d’origine eur...

Le récit de pèlerinage, comme tout récit viatique, est un lieu où, par définition, s’opère un classement, une hiérarchisation, une comparaison entre les lieux visités, les étapes franchies, les personnes rencontrées. Le voyageur, ici pèlerin, n’arrête pas de recenser et de méditer les différences qu’il observe et d’en chercher le sens. La mise en série de ces récits offre l’opportunité de saisir les différences significatives dans le regard des voyageurs. Non seulement ils ne sélectionnent pa...

Cette fiche suit le modèle des notices prosopographiques élaborées par Christophe Charle dans ses différents dictionnaires biographiques d’universitaires. 1. CHARLE (Christophe) Né le 28 juillet 1951 à Paris 14e Origine sociale Ancêtres : « Claude Charle, charpentier ; Florimond Charle, coutelier ; Jean Auchère, potier et cultivateur ; Alexandre Charle, coutelier et communard ; Christophe Charle, métreur en peinture ; Philippe Potier, employé au chemin de fer ; Jean Potier, conducteur au chem...

Personnelles ou collectives, les mémoires sont perçues par ceux qui les portent comme uniques : liées à des expériences personnelles souvent existentielles, souvent marquées également par une forte dimension émotionnelle, elles sont de fait identitaires et perçues par là même comme essentielles, intouchables et incomparables. D’où les réactions généralement négatives et scandalisées suscitées, pour ne prendre qu’un seul exemple, par les propositions de comparaison de la Shoah et de sa mémoire...

La présence des chevaux ne fait que s’accroître au xixe siècle. Comme dans les sociétés plus anciennes, ils assurent de multiples usages et ils sont plus particulièrement indispensables au développement, à la croissance. Dans la répartition des richesses, les animaux conservent une place non négligeable comme dans l’essor des énergies dont ils composent, calculé en calories journalières disponibles par individu, très certainement plus du tiers. L’extension de l’industrialisation, l’urbanisati...

Longtemps prisonnière d’une approche juridico-réglementaire, l’histoire des institutions policières s’est renouvelée au cours des dernières décennies en privilégiant une démarche d’histoire sociale et culturelle et en adoptant les questionnements d’une histoire comparée attentive à la circulation des pratiques. En la matière, les spécialistes du xviiie siècle ont fait œuvre pionnière en montrant comment réformateurs et « traités de police » voyageaient dans l’Europe des Lumières : au-delà des...

Comparer les fonds d’archives entre eux fait partie de toute recherche, en particulier à ses débuts, et quel que soit, ou presque, le thème ou la période. Il faut évaluer les plus pertinents pour répondre au questionnaire, s’assurer de leur accessibilité, peser l’articulation entre le temps dévolu à leur lecture et les résultats attendus. Lorsqu’il faut choisir plusieurs « sites », qu’il s’agisse de régions ou de villes, de militants ou d’institutions, la pesée de chacun d’entre eux est fonda...

Au commencement est Le deuxième sexe. Simone de Beauvoir qui récuse toute détermination biologique, et a fortiori tout dessein divin, rompt avec les explications naturalistes de la subordination féminine. D’où l’impact de sa formule choc : « On ne naît pas femme, on le devient. » Mais le slogan vaut pour tous, hommes et femmes, car « Être, c’est être devenu, c’est avoir été fait tel qu’on se manifeste ». Simone de Beauvoir historicise ainsi d’emblée la situation de l’un et l’autre sexe. L’his...

En 1814 paraît à Berlin le Mesmerismus, l’ouvrage le plus complet et le plus abouti du médecin Franz Anton Mesmer, le fondateur du magnétisme animal. Ce texte a la particularité d’être publié en allemand, alors qu’il a été écrit presque entièrement en français. Dans sa préface, Wolfart, le traducteur, explique que Mesmer pensait en fait en allemand et qu’il a été obligé par les circonstances d’écrire dans une langue qui lui était étrangère. La traduction serait donc, selon lui, la restauratio...

En histoire contemporaine des mondes musulmans méditerranéens, il n’est plus désormais question de faire dériver les changements socioculturels des seuls processus de la modernisation et de l’occidentalisation. À rebours d’une bifurcation culturelle imposant deux trajectoires opposées (le progrès/la réaction), il s’agit de chercher ailleurs et autrement les signes d’une pensée de la nouveauté, hybride, et de l’innovation, progressive. Qu’il soit entendu qu’en architecture comme en poésie, l’e...

C’est le 26 mars 1992, et à l’initiative de Christophe Charle qui en discute déjà avec Pierre Bourdieu et d’autres collègues, qu’un « Appel à la communauté des universitaires et des chercheurs » visant à fonder une Association de réflexion sur les enseignements supérieurs et la recherche (Areser) est publié dans le journal Libération, puis relayé par Le Monde. L’appel rassemble déjà une centaine de signataires dont une majorité de professeurs, directeurs de recherche, en lettres et sciences h...

Sur le temps très long de l’histoire de l’humanité, la formule « civilisation et barbarie » ne peut se prévaloir que d’une modeste durée d’existence qui couvre – non sans arrogances, dilemmes et reniements successifs – à peine plus de deux siècles. Certes, la figure du barbare surgit dans la mentalité des Grecs anciens pour désigner tous ceux qui ne parlent pas leur langue, et s’impose sous l’Empire romain et durant le Moyen Âge pour désigner, plus que toute autre chose, les peuples menaçants...

Dès ses premières recherches, Pierre Bourdieu a mis en œuvre le précepte durkheimien qui fait de la comparaison l’outil analytique privilégié de la sociologie : comparaison entre pratiques culturelles de différents groupes sociaux (L’amour de l’art, La distinction), entre grandes écoles, disciplines ou professions selon leur recrutement social (La noblesse d’État), entre différents états d’un champ (transformations du champ académique à la veille de 1968 dans Homo academicus), entre systèmes ...

En 1848, en France, alors que les républicains proposent une expérience politique originale avec l’élection d’un président au suffrage universel masculin, la propagande bonapartiste éveille des souvenirs recomposés de l’épopée impériale. Ces comparaisons diachroniques, avantageuses, permettent l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte en décembre 1848. Dès lors, le jeu des comparaisons se développe. Le coup d’État du 2 décembre 1851 serait le pendant du 18 Brumaire, la république décennale celui...

Entre 1870 et 1914, près de deux cents colonies d’artistes ont été actives en Europe. Deux innovations techniques ont été déterminantes pour ces communautés installées généralement dans des villages : le tube de peinture, commercialisé à partir du milieu du xixe siècle, et le chemin de fer. Le premier permet la peinture de plein air ; le second donne la possibilité de trajets rapides entre ville et campagne. Mais c’est en rejet de la modernité industrielle et urbaine que ces colonies d’artist...

Pour Jules Ferry, le fondateur de l’école gratuite, obligatoire et laïque, la cause est entendue : il n’y a qu’une seule morale, alors qu’il existe une infinie diversité de philosophies et de religions. C’est ce qu’il énonce devant le Sénat, dès le 21 janvier 1881, en évoquant « la bonne vieille morale de nos pères, la vôtre, car nous n’en avons qu’une ». C’est ce qu’il explicite dans son discours devant le Congrès des instituteurs, le 19 avril 1881 : Pourquoi cet enseignement ne doit-il pas ...

Sous la Révolution française, la méthode comparative héritée de l’histoire philosophique des Lumières prend une dimension nouvelle. Le député Charles-François Dupuis, professeur d’éloquence latine au Collège de France, peut être considéré comme l’un des fondateurs de l’histoire comparée des religions. Dupuis choisit un moment particulièrement opportun pour publier son grand ouvrage sur L’origine de tous les cultes, sur lequel il travaille alors depuis une quinzaine d’années. Depuis le 10 août...

L’histoire européenne ne se lit pas seulement dans les livres, mais aussi dans l’espace public, grâce à la statuaire. Selon des rythmes différents – l’Italie fut précoce et les Pays-Bas retardataires –, toutes les nations européennes ont élevé des monuments à leurs « grands hommes ». D’un pays à l’autre, les catégories de statufiés sont identiques. Deux d’entre elles méritent une mention : celle des statues de femmes, partout minoritaires, et celle des monuments érigés à la mémoire des condam...

L’histoire comparée s’inscrit dans une démarche critique qui interroge avec minutie le choix des termes de la comparaison et précise autant que possible ses objectifs. Elle comporte pourtant une part d’ombre. Comment aborder en effet la question complémentaire de ce qui est perçu comme incomparable ? Raisonner par défaut ne va pas sans risque, on partira donc ici d’un cas révélateur pour retracer l’histoire, contingente, de la barrière séparant ce qui est comparable de ce qui ne le serait pas...

La « réunion par le mythe » de Montmartre et de Montparnasse, leur canonisation conjointe comme lieux ponctuels de la modernité européenne et leur momification folklorique ont déjà été étudiés ailleurs. On prendra pour point de départ de ce questionnement comparatif le travail de mise en parallèle effectué par Béatrice Joyeux-Prunel, avec lequel les lignes qui suivent entendent entrer en discussion (Joyeux-Prunel, 2017). Béatrice Joyeux-Prunel identifie très finement le travail de mémoire arr...

Quoi de plus facile à définir que le veuvage, en apparence ? Il s’agit de toute personne non remariée qui a survécu à son conjoint (écartons, non sans arbitraire, les « veuves blanches » et les concubins). Mais les asymétries liées au genre ont tôt fait de commencer. En l’absence d’enfants, le veuvage revient au célibat plein et entier, y compris pour la femme qui, pour peu qu’elle dispose de biens personnels, rompt avec son statut d’éternelle mineure – d’où le danger qu’elle représente pour ...

Dans l’œuvre de Christophe Charle, il y a sans doute eu une rencontre ratée avec les États-Unis. Dans les quelques pages qu’il consacre, dans sa monumentale somme Discordance des temps. Une brève histoire de la modernité (2011), à la modernité états-unienne, il ne la décrit qu’au travers du regard très critique d’intellectuels français qui voient d’un mauvais œil l’américanisation en cours de la modernité, et ce qu’elle charrie d’uniformisation, de violences techniques et d’horreurs culturell...

À la fin des années 2000, j’avais entendu avec étonnement Christophe Charle parler du retour de notre pays au xixe siècle. Je m’interrogeai sur le sens de cette remarque à la fois caustique et un peu désabusée, selon sa manière. Difficile pourtant d’imaginer pure coquetterie de la part de l’éminent spécialiste du xixe siècle français et européen et de leurs élites. Certes, les couloirs en bois de la vieille Sorbonne nous incitent à penser la fixité du temps. Ils sont l’héritage d’une époque o...

La référence au phénomène sportif est marginale dans l’œuvre de Christophe Charle, même s’il aborde ce thème à plusieurs reprises par exemple dans Le siècle de la presse, Théâtres en capitales ou encore La dérégulation culturelle. Faut-il pour autant se priver de la lecture de ses travaux dès lors que l’on est « historien du sport » ? En période de surspécialisation de la recherche et de propension des historiens à ne lire que des écrits portant sur leurs propres objets d’études, la lecture e...

Qu’est-ce qui sépare les guerres du xxe siècle de celles qui les ont précédées ? Les guerres du xxe siècle prennent de multiples formes ; mais ce qui les distingue des cas antérieurs de violence collective est l’industrialisation. Les deux grands sauts technologiques du xviiie et du xixe siècle avaient en effet créé des systèmes de production, de distribution et d’échange qui augmentèrent de façon exponentielle la puissance destructrice des armes et des armées. En 1900, le système étatique d’...

Il est à peu près unanimement admis que l’université, aussi bien l’institution que le mot, est apparue peu après 1200 dans quelques villes d’Occident : Bologne, Paris, Oxford, Montpellier, Salamanque, Padoue, etc. Dès le départ, chacune de ces universités a eu ses caractéristiques propres. L’historien a donc pour les étudier le choix entre une démarche monographique qui s’attache à l’analyse aussi fine que possible, pour chacune, de toutes ses particularités, et une démarche comparative qui, ...

L’exercice de la comparaison revêt différentes formes : dans l’espace, dans le temps, mais aussi dans le champ des possibles, entre ce qui est advenu et ce qui aurait pu être. Cette méthode s’intitule différemment en fonction des disciplines où elle s’exerce : uchronique, alternative, contrefactuelle, virtuelle, possibiliste, ou étude des possibles du passé. Et bien que peu revendiquée comme telle, elle est couramment utilisée en histoire et sciences sociales, notamment en histoire sociale. S...

Les perspectives ouvertes par Christophe Charle dans ses recherches séminales sur l’histoire des intellectuels en Europe ont permis de mesurer les effets de domination scientifique, de capitalisation des savoirs sur la longue durée, mais elles témoignent aussi plus largement d’un déplacement du questionnaire de l’histoire des sciences fondé désormais sur la comparaison, la circulation voire la globalisation. En imposant, dès les années 1990, le débat autour d’une dénationalisation de l’histoi...

Le comparatisme historique et l’histoire transnationale sont-ils des méthodes incompatibles de la science historique ? Depuis l’article fondamental de Marc Bloch il y a quatre-vingt-dix ans, le comparatisme historique a juxtaposé les sociétés et examiné les différences, les similitudes et les interdépendances ; tandis que l’histoire transnationale s’intéresse aux mouvements des personnes, du savoir, des marchandises et des capitaux à travers des frontières. Longtemps, les deux méthodes ont se...

La sociologie historique, sous ses différentes variantes, est l’une des manières de pratiquer la comparaison en histoire. Si cette sous-discipline ne s’est vraiment développée comme projet scientifique explicite qu’à partir des années 1930, en Allemagne et aux États-Unis, les démarches qu’elle inspire sont en réalité à l’origine de la discipline sociologique elle-même : tous ses « pères fondateurs », d’Auguste Comte à Karl Marx, d’Émile Durkheim à Max Weber, peuvent être en effet considérés c...