Cet article décrit une étude contrastive pilote de quatre expressions de périphérie, deux françaises et deux anglaises. S’entend par “expression périphérique” une expression positionnée en début (périphérie gauche (PG)) ou à la fin (périphérie droite (PD)) d’un énoncé sur lequel elle porte et qui fonctionne comme hôte. (Nous laissons de côté, dans le contexte de cet article, la nature exacte du lien formel entre l’expression périphérique et son hôte.) Ces positions périphériques sont des sites privilégiés pour l’expression de l’attitude du locuteur envers l’idée contenue dans l’unité hôte et pour l’expression de relations de cohérence entre cette idée et la précédente. Elles accueillent un éventail de connecteurs adverbiaux et de particules discursives. L’étude pilote propose un cadre, dans une approche fonctionnelle, pour l’identification et l’analyse d’éléments périphériques dans le contexte de la linguistique contrastive (français/anglais). Ensuite l’étude a deux buts principaux. Le premier consiste à vérifier, pour les expressions se positionnant en PG et en PD et dans leurs contextes, si des corrélations existent entre position et fonction, prosodie, structure informationnelle ou la syntaxe de l’hôte (et éventuellement d’autres paramètres du co-texte). Il s’agit d’explorer, si la position s’avère ne pas être aléatoire, les possibles motivations dans chaque cas. Le deuxième but, et le focus de l’article, consiste à analyser les fréquences et les distributions dans une perspective contrastive français/anglais, pour identifier des généralisations éventuelles sur les deux langues. La variation interlocuteur est également contrôlée. Les variables principales sont donc la position (droite vs. gauche) et la langue (français vs. anglais).La recherche récente sur les périphéries s’est focalisée sur quatre questions majeures : la définition des périphéries, y compris l’élaboration d’un modèle syntaxique capable de rendre compte des expressions périphériques ; la détermination de l’ordre des expressions périphériques au cas où un énoncé en accueille deux ou plus ; le traçage de l’évolution des expressions périphériques en diachronie ; et l’identification d’éventuelles corrélations entre position et fonction.Les deux premières questions ont surtout été abordées en linguistique formelle, où un modèle cartographique de la structure syntaxique de la périphérie a été développé (par ex. Speas & Tenny 2003 ; Haegeman & Hill 2013 ; Rizzi & Cinque 2016). Jusqu’à tout récemment le statut syntaxique des éléments périphériques, comme les particules discursives et les connecteurs adverbiaux, a été peu étudié dans la tradition fonctionnelle, ces éléments étant considérés comme “en dehors” de la syntaxe (par ex. Kaltenböck et al. 2016 ; Brinton 2017). Certains chercheurs néanmoins posent un créneau syntaxique spécifique aux particules discursives en début d’énoncé (par ex. Aijmer 1996) ; d’autres encore posent qu’une grammaire du discours, différenciée de la grammaire de la phrase, doit rendre compte des périphériques (par ex. Heine et al. 2013, Fernandez Vest 2015). D’aucuns suggèrent, pour l’anglais, que les particules à la PD constituent un paradigme formel (Haselow 2013).Ce sont les deux dernières questions qui ont capté plus d’attention. En diachronie, à en juger par les résultats d’études sur des langues européennes, la PD serait un développement assez récent qui peut être considéré comme une “grammaticalisation poussée”, la plupart des formes occupant la PD étant attestées avant à la PG. Les différentes fonctions éventuelles associées à la PG et la PD ont été abordées en pragmatique et analyse du discours. L’hypothèse est très citée que la PG accueille la subjectivité (l’attitude du locuteur) alors que la PD accueille l’intersubjectivité (les relations entre le locuteur et son interlocuteur) (par ex. Degand et Fagard 2011 ; Beeching et Detges 2014a). Des études sur différentes langues pourtant ont révélé quelques confirmations et quelques contre-exemples sans arriver à des conclusions solides (Traugott 2012). Pour les éléments périphériques dont la fonction est connective, il a été proposé qu’à la PD, soit ils expriment une connectivité rétrospective très étroite entre l’hôte et l’idée précédente (Haselow 2012), soit ils modifient la modalité de celle-ci, tandis qu’à la PG ils expriment une connectivité moins étroite et peuvent porter sur plusieurs segments du discours. Peu d’études ont abordé le rôle des périphériques, que ce soit à gauche ou à droite, dans la proéminence ou dans la structure informationnelle. Peu d’études ont abordé la prosodie (v. Wichmann 2001 ; Bertrand et Chanet 2005 ; Dehé et Wichmann 2010 ; Romero Trillo 2018). L’idée est souvent citée que les particules discursives, surtout à la PG, manifestent une “intonation de virgule”, mais cette supposition repose sur peu de données concrètes et elle a été remise en cause. Il a été proposé pour l’anglais qu’à la PD les périphériques manifestent une prosodie intégrée (Haselow 2016). Si des études sur des langues variées ont commencé à éclaircir beaucoup de ces questions, peu d’études ont adopté une perspective contrastive.Deux expressions ont été retenues pour cet article : alors pour le français et then pour l’anglais. Ces expressions ont en commun que de leurs origines lexicales elles se sont développées en adverbes modaux, puis en particules discursives et/ou en connecteurs. Alors et then sont des adverbes temporels qui ont évolué dans le même sens vers des polysémies non temporelles. Plus pertinent pour cette étude est leur positionnement tant à la PG qu’à la PD en tant que particules discursives de divers types.Cette étude sur corpus commence par décrire la méthodologie pilote pour l’analyse contrastive. Les données proviennent d’échantillons de dialogue comparables pris dans des corpus oraux. Sont codées les positions des occurrences (et leurs co-textes) ainsi que les quatre paramètres cités ci-dessus (fonction, prosodie, structure informationnelle, syntaxe). Les résultats des analyses révèlent des différences de fréquence, de distribution et d’usage sur les deux langues pour le genre comparable. Ils pointent également une différenciation accrue entre alors et then pour les fonctions plus abstraites et interactionnelles. Les résultats de cette étude pilote nous servent pour affiner l’approche en vue d’une étude quantitative sur des expressions périphériques à base de corpus plus grands. This article describes a pilot French/English contrastive study of some peripheral expressions. A “peripheral expression” is understood as one which occurs at the beginning (“left-peripheral” (LP)) or at the end (“right-peripheral” (RP)) of an utterance which acts as its host and over which it has scope. (The nature of the formal link between the peripheral expression and its host is left open for the purposes of this article.) These peripheral slots are prime sites for the expression of speaker stance towards the idea expressed by the host unit, and for the expression of coherence relations between the idea in the host clause and the previous idea(s). They harbour a wide range of adverbial connectors, discourse particles and comment clauses. The pilot study establishes a basic framework, within a broadly functional approach, for the identification and analysis of peripherals that can serve for contrastive study of French and English. Within the framework, the study has two main goals. One is to test whether and how, for French and/or for English expressions that can occur at either periphery, position correlates with other features of the expressions in context: function, prosodic pattern, information status and syntactic status of the host (and potentially other features of the co-text); in particular, the aim is to discover, if position is not random, what the main motivations appear to be in each case. The other main goal, and the focus of this article, is contrastive: to examine the frequencies and distributions, based on the feature analysis, of comparable peripheral expressions across French and English, to identify what generalizations, if any, can be made across the two languages. Interspeaker variation is also monitored. The primary variables here are position (right vs. left) and language (French vs. English).Recent interest in the peripheries has focused on four main issues: defining the peripheries, including devising a model of syntax that adequately accounts for peripheral expressions; determining the order of expressions, where a periphery contains several; tracing the emergence of peripheral expressions through language change; and identifying potential correlations between position and function. The first two issues have been addressed in formal linguistics, where a cartographic model of the syntactic structure of the periphery has been developed (e.g. Speas & Tenny 2003; Haegeman & Hill 2013; Rizzi & Cinque 2016). Functional and cognitive linguists until recently tended to ignore the syntactic status of peripheral elements like discourse particles and connectors, which were often claimed to be “outside” of syntax (e.g. Kaltenböck et al. 2016; Brinton 2017). Some scholars identify clause-initial pragmatic-marker “slots” (e.g. Aijmer 1996). Others posit a special “discourse grammar” distinct from “sentence grammar” (e.g. Heine et al. 2013, Fernandez Vest 2015). It has also been suggested, for English, that RP particles now constitute a formal paradigm (Haselow 2013). Overall, the third and fourth issues have received greater attention. Diachronically, in European languages investigated so far, RP appears to be a relatively recent development that can be viewed as “further grammaticalization” (almost all forms occurring at RP occur also, and occurred earlier, in other positions). The potentially different synchronic functions linked to LP and RP have mainly been investigated from the pragmatic and discourse-analytic perspectives. One widely-cited hypothesis is that the LP is specialized for subjectivity (speaker stance), while the RP is specialized for intersubjectivity (speaker-hearer relations) (e.g. Degand and Fagard 2011; Beeching and Detges 2014a). Subsequent work across languages has been inconclusive, providing moderate support for this hypothesis along with some counter-evidence (Traugott 2012). Where peripheral expressions are connective, it has been suggested for English that at RP their main function is retrospective connectivity (Haselow 2012), tying the host closely to the previous idea and/or modifying the modal or illocutionary force of the previous idea, while at LP they express interpropositional relations more loosely and can scope over longer stretches of discourse. But little attention has been paid to the role of particles at either periphery in signalling prominence relations and information structure, and relatively few studies have focused on prosodic features (v. Wichmann 2001; Bertrand and Chanet 2005; Dehé and Wichmann 2010; Romero Trillo 2018). Discourse particles, especially at LP, are often assumed to have “comma intonation”, but this assumption rests on insufficient evidence and contradictory claims are found. English final particles, it is claimed, are prosodically integrated (Haselow 2016). Although work in different language varieties has started to clarify some of these issues, few constrastive-linguistic studies have so far been carried out. For this article the peripheral expressions chosen were French alors and English then. Both expressions have developed from their lexical roots into modal adverbs and then discourse particles and/or connectives. Alors and then are both temporal adverbs that have developed very similar non-temporal polysemies. And, relevantly for this study, both now occur as discourse particles of various kinds at both the left and the right peripheries. This corpus-based study first describes a pilot methodology for the contrastive analysis. Data sources are comparable selections of dialogue from spoken-language corpora. Occurrences (and their co-text) are coded for position and on the four parameters listed above (function, prosody, information structure, syntax). The data set is too small for extrapolation, but the study suggests differences in frequency, distribution and usage across the two languages for the comparable genres. It also suggests increased divergence between alors and then for the more abstract and interactional uses. The results of this pilot study can be used to refine the approach in preparation for further work on peripheral expressions"tandis qu’à la PD based on larger corpora.