Le discours de l'authenticité: de l'ensauvagement de la langue à l'anéantissement d'autrui.

Le présent article s'intéresse aux stratégies discursives et linguistiques qui ont permis d'ancrer la vision du monde national-socialiste dans le discours politique, philosophique et juridique en Allemagne dans les années 1939–1945. A partir de la notion d'authenticité d'extraction heideggérienne, il sera montré que le renversement politique et juridique ayant conduit in fine à l'extermination des Juifs d'Europe a été fondé et légitimé par un corpus d'idées philosophiques et de concepts juridiques qui ont inscrit leur anéantissement dans le discours. Il sera également montré que l'introduction du critère racial dans le discours philosophique et juridique a profondément bouleversé la signification des concepts en modifiant leur grammaire d'usage de sorte qu'ils ont été vidés de leur sens. L'élaboration de ce corpus et les bouleversements dans l'usage des mots et des concepts ont donné lieu à l'émergence d'un langage spécifique, à la fois cryptique, élusif et équivoque. Ce langage a joué un double rôle: il a permis d'exclure d'emblée certaines catégories de la population, jugées indignes de faire partie de la communauté du peuple germanique, d'une part, et d'autre part, il a permis de justifier le génocide des Juifs après 1945. Méthodologiquement, la notion de formule sera mobilisée pour mettre en exergue la manipulation linguistique à l'œuvre dans le discours de l'authenticité. Enfin, les difficultés posées par la traduction de ce type de discours seront brièvement abordées. [ABSTRACT FROM AUTHOR]