Rimbaud devant Paris : deux poèmes subversifs

Née de la nécessité où se trouvait Verlaine de dissimuler autant que possible la dimension politique de l’oeuvre rimbaldienne, l’idée prévaut encore que Rimbaud ne s’est vraiment passionné pour la Commune que durant quelques mois de l’année 1871 et que l’entreprise du Voyant est sans rapports avec la politique. L’étude de deux poèmes dont le sens a été jusqu’ici méconnu prouve le contraire. Dans le sonnet de l’ Album zutique intitulé Paris , un véritable ballet de noms propres dissimule en fait une sorte de portrait psychologique de la capitale après la Semaine sanglante. Quant à Bonne pensée du matin , poème qui date d’une époque (1872) où l’on imagine Rimbaud tout entier voué à son entreprise d’alchimie poétique, il s’agit en réalité d’une évocation satirique de Paris, la Ville par excellence des utopies révolutionnaires, après le triomphe de l’Ordre. Il faut en prendre son parti : la passion de Rimbaud pour le déluge révolutionnaire n’a pas été un feu de paille et une grande partie de son oeuvre en porte la marque.
Reboul Yves. Rimbaud devant Paris : deux poèmes subversifs. In: Littératures 54,2006. Rimbaud dans le texte. pp. 95-132.