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« Mourir dans un baiser » Un archétype du féminicide ?

Authors :
Jacqueline Carroy
Marc Renneville
Publication Year :
2023
Publisher :
Criminocorpus, 2023.

Abstract

Le féminicide, défini par le fait de tuer une femme en raison de son sexe, est un mot récemment forgé pour désigner un acte social de moins en moins toléré dans nos sociétés. Cet acte a été confondu pour une large part, au XIXe siècle notamment, dans la vaste nébuleuse des crimes « passionnels », ces assassinats commis sous l’emprise d’une passion amoureuse exacerbée par la jalousie ou l’impossibilité de s’unir à l’être aimé. Il existe toutefois une autre voie de l’amour menant à la mort, c’est celle du double suicide d’amants. Lorsque l’homme survit à la mort de sa compagne, l’intentionnalité du geste pose question. Nous en faisons l’analyse à partir d’un double suicide commis à Constantine, en Algérie, le 25 janvier 1888. Très vite érigée en « cause célèbre », cette affaire questionne aussi bien le statut de l’assassin, Henri Chambige. S’agit-il d’un idéaliste trop sensible et imaginatif, perdu dans ses lectures de Sand, Stendhal, Balzac et de Vigny ? S’agit-il plus simplement d’un cynique détestant la femme qui lui refusait l’amour qu’il en attendait ? Quant à la femme victime, peut-elle être coupable d’avoir trahi son mari ? Et d’avoir préféré la mort au déshonneur ? Paul Bourget écrit à la suite de ce crime Le Disciple, grand succès critique et de librairie, pour résoudre la question morale de l’influence de la littérature et des nouvelles théories de la psychologie sur la jeunesse. Anatole France et Maurice Barrès prennent aussi position. L’affaire Chambige tient une place singulière dans l’histoire du féminicide en littérature. Elle suscite des positions engagées, parfois violentes, révélatrices d’un imaginaire criminel qui ne se pense pas comme tel mais elle provoque aussi des réactions contre la mise à mort des femmes, initiant ainsi un premier mouvement de prise de conscience sociale de ce que l’on ne désigne pas encore sous le nom de féminicide. Feminicide, defined as the killing of a woman because of her sex, is a word recently coined to designate a social act that is less and less tolerated in our societies. This act was largely confused, particularly in the 19th century, with the vast nebula of "crimes of passion", murders committed under the influence of a passion for love exacerbated by jealousy or the impossibility of uniting with the loved one. There is, however, another way in which love leads to death, and that is the double suicide of lovers. When the man survives the death of his partner, the intentionality of the gesture raises questions. We analyse this on the basis of a double suicide committed in Constantine, Algeria, on 25 January 1888. This case, which was very quickly made into a "cause célèbre", also raises questions about the status of the murderer, Henri Chambige. Was he an overly sensitive and imaginative idealist, lost in his readings of Sand, Stendhal, Balzac and Vigny? Or was he simply a cynic who hated the woman who denied him the love he expected? As for the female victim, can she be guilty of betraying her husband? And of having preferred death to dishonour? Paul Bourget wrote Le Disciple in the wake of this crime, a great critical and bookstore success, to resolve the moral question of the influence of literature and the new theories of psychology on youth. Anatole France and Maurice Barrès also took a stand. The Chambige affair has a unique place in the history of feminicide in literature. It gave rise to committed and sometimes violent positions, revealing a criminal imagination that did not think of itself as such, but it also provoked reactions against the killing of women, thus initiating a first movement of social awareness of what was not yet known as feminicide.

Details

Language :
French
Database :
OpenAIRE
Accession number :
edsair.doi.dedup.....dc6f1a0e43d6fa5a04437dc6337ad0f5