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Les chimpanzés ont-ils une médecine ? « Mais évidemment ! Les chimpanzés se soignent ! » (dixit les Batooro d'Ouganda)

Authors :
Brunois-Pasina, Florence
Krief, Sabrina
Laboratoire d'anthropologie sociale (LAS)
École des hautes études en sciences sociales (EHESS)-Collège de France (CdF (institution))-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)
Eric Barratay
Source :
L'animal désanthropisé. Interroger et redéfinir les concepts, Eric Barratay. L'animal désanthropisé. Interroger et redéfinir les concepts, Série histoire environnementale, Éditions de la Sorbonne, 320p, 2021, L'Animal désanthropisé. Interroger et redéfinir les concepts, 979-10-351-0659-1
Publication Year :
2021
Publisher :
HAL CCSD, 2021.

Abstract

International audience; Die Antwort der Batooro auf unsere Frage veranschaulicht die epistemologische Voreingenommenheit, die wir in diesem Text ansprechen möchten, der einem Vergleich der Pflegepraktiken gewidmet ist, die bei den Batooros und Schimpansen beobachtet wurden, zwei Populationen von Primaten, die sich im Kibale Park in Uganda gemeinsam entwickeln. Für diese Menschen, die seit Jahrhunderten die gleiche Waldumgebung mit Schimpansen teilen, erscheint die Frage nach der medizinischen Kompetenz der Schimpansen naiv, fast schon dumm. Dass Schimpansen auf sich selbst aufpassen, liegt an einem unbestreitbaren und akzeptierten Beweis, an einer Realität, die nicht hinterfragt werden muss: Sie wird erfahren, gelebt, verkörpert; es wird sogar geteilt. In den wissenschaftlichen und modernen Kontext gestellt, in dem das Tier a priori frei von Subjektivität und Intentionalität ist, verliert die Antwort von Batooro jedoch ihre Wahrheit. Die Praxis der medizinischen Versorgung wird hier als eine experimentelle und rationale Disziplin verstanden, die für den Menschen spezifisch ist und auf dem Wissen und den Techniken beruht, die von einem einzigen Berufsverband, dem der Ärzte, gelehrt und vermittelt werden. Bedeutet dies, dass die Antwort des Batooro von einer Verwirrung des Geistes oder der Worte / des Bösen zeugt? Von einer Neigung, das Verhalten existierender Menschen zu vermenschlichen oder nicht zu erkennen, was den Menschen und was die Tiere, ihre Kultur und / oder ihre Natur betrifft? Sicherlich nicht. Als Beweis dienen die ethographischen, veterinärmedizinischen und phytochemischen Forschungen, die seit mehr als zwanzig Jahren an Kibale-Schimpansenpopulationen in situ über ihre Verwendung von Waldheilpflanzen gemäß den beobachteten Pathologien durchgeführt wurden. Die Fülle an Daten unterstützt und bestätigt die Reaktion von Batooro: Kibale-Schimpansen verwenden Heilpflanzen und bieten viele heilende Behandlungen. Dies hebt die ontologischen Grenzen auf, die dem anthropozentrischen Konzept der modernen Medizin zugrunde liegen.; The answer given to our question by the Batooro illustrates the epistemological bias that we wish to raise in this text devoted to a comparison of the care practices observed in the Batooros and chimpanzees, two populations of primates co-evolving in Kibale Park in Uganda. For these human individuals, who have shared the same forest environment with chimpanzees for centuries, the question of the medical competence of the latter seems naive, almost stupid. The fact that chimpanzees take care of themselves is an indisputable and accepted evidence, a reality that does not need to be questioned: it is experienced, lived, embodied; it is even shared. However, placed in the scientific and modern context, where the animal is a priori devoid of subjectivity and intentionality, the Batooro response loses its truth. Here, the practice of medical care is conceived as an experimental and rational discipline, specific to the human being, founded on a body of knowledge and techniques taught and delivered by a single professional corporation, that of doctors. Does this mean that the Batooro's response testifies to a confusion of mind or words / evils? From a propensity to anthropomorphize the behaviors of existing people or not to discern what pertains to man and what pertains to animals, their culture and / or their nature? Certainly not. As proof, the ethographic, veterinary and phytochemical research carried out in situ for more than twenty years with Kibale chimpanzee populations concerning their uses of forest medicinal plants according to their observed pathologies. The wealth of data confirms and confirms the Batooro response: Kibale chimpanzees do use medicinal plants and provide many curative treatments. This upsets the ontological boundaries underlying the anthropocentric concept of modern medicine.; La réponse apportée à notre question par les Batooro illustre le biais épistémologique que nous souhaitons soulever dans ce texte consacré à une comparaison des pratiques de soin observées chez les Batooros et les chimpanzés, deux populations de primates co-évoluant dans le parc Kibale en Ouganda. Pour ces individus humains, qui partagent avec les chimpanzés le même milieu forestier depuis des siècles, la question de la compétence médicale des seconds semble naïve presque stupide. Le fait que les chimpanzés se soignent relève d'une évidence incontestable et assumée, d'une réalité qui n'a pas lieu d'être interrogée : elle est expérimentée, vécue, incarnée ; elle est même partagée. Cependant, resituée dans le contexte scientifique et moderne, où l'animal est a priori dépourvu de subjectivité et d'intentionnalité, la réponse batooro perd de sa vérité. Ici, la pratique du soin médical est conçue comme une discipline expérimentale et rationnelle, propre à l'être humain, fondée sur un corpus de connaissances et de techniques enseigné et délivré par une unique corporation professionnelle, celle des médecins. Est-ce à dire que la réponse des Batooro témoigne d'une confusion d'esprit ou de mots/maux ? D'une propension à anthropomorphiser les comportements des existants ou à ne pas discerner ce qui relève de l'homme de ce qui relève de l'animal, de sa culture et/ou de sa nature ? Certainement pas. Pour preuves, les recherches éthographiques, vétérinaires et phytochimiques menées in situ depuis plus de vingt ans auprès des populations chimpanzées de Kibale à propos de leurs usages de plantes médicinales forestières en fonction de leurs pathologies observées. La richesse des données conforte et confirme la réponse batooro : les chimpanzés de Kibale utilisent bien des plantes médicinales et se prodiguent bien des soins curatifs. Cela bouscule les frontières ontologiques que sous-tend le concept anthropocentré de la médecine moderne.

Details

Language :
French
ISBN :
979-1-03-510659-1
ISBNs :
9791035106591
Database :
OpenAIRE
Journal :
L'animal désanthropisé. Interroger et redéfinir les concepts, Eric Barratay. L'animal désanthropisé. Interroger et redéfinir les concepts, Série histoire environnementale, Éditions de la Sorbonne, 320p, 2021, L'Animal désanthropisé. Interroger et redéfinir les concepts, 979-10-351-0659-1
Accession number :
edsair.od.......177..766cb3679344c7364129c88366cfa9b0