« Il m’en souvient bien davantage » : pour une autre mémoire poétique de la fable « Philomèle et Progné »

Le mythe de Philomèle et Progné est souvent convoqué pour lier l’entreprise littéraire à la prise en charge d’un trauma, et lui donner pour fonction de dire l’indicible. En passer par le trauma pour lire la fable de La Fontaine « Philomèle et Progné », réécriture « classique » ou « galante » du mythe, fait parvenir à d’autres propositions de définitions des fonctions de la poésie et du rôle de la critique. La fable repousse l’horizon d’une consolation. Sa temporalité n’est pas uniquement celle du souvenir. Elle conditionne son effet à un certain style de transmission qui donne à sentir plus qu’il n’invite à mettre au jour un contenu qui préexisterait à la fable. L’expérience qu’elle propose, enfin, est celle d’une capacité liée au caractère « traumatisable » de l’être humain : celle de créer des souvenirs nouveaux. The myth of Philomela and Procne is often read in a way that associates literature with the function of telling what cannot be told. Interpreting the fable of La Fontaine “Philomel and Progne” using the concept of trauma leads to other definitions of poetry and its critics. The fable does not end up on a consolation. Its temporality is not related to recollections only. Its effect depends more on a certain style of transmission in which the reader feels rather than remembers a story yet already told. Thus, the fable opens the possibility of an experience deeply linked to the capacity to memorize.