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Chapitre 6. De 150 à 20 av. J.-C., la naissance d’une agglomération (phase 5)

Authors :
Menez, Yves
Publication Year :
2022
Publisher :
Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2022.

Abstract

Durant la première moitié du iie s. av. J.-C., le fossé qui précèdait le rempart de séparation entre la cour et l’avant-cour de la résidence s’est progressivement comblé. Lorsque la phase 5 débute, vers 150 av. J.-C., on achève de le combler pour installer par dessus, près de la porte septentrionale de l’avant-cour, une forge de 67 m2 [fig. 104a]. L’atelier connaîtra trois états successifs [fig. 104b]. Durant le troisième quart du iie s. av. J.-C., il est démoli pour permettre la construction d’une nouvelle enceinte qui délimite la cour d’habitation, protégée comme durant la phase 3 par deux lignes de défense concentriques [fig. 105-106]. Le nouveau rempart qui englobe en partie le vieux talus de phase 1 est si puissant (8 m de large à la base, 3 m de hauteur estimée) qu’il est demeuré en élévation jusqu’à nos jours. Il est précédé d’un dispositif à double fossé [fig. 107] et coiffé d’un chemin de ronde couvert ou protégé par un parapet [fig. 108]. Un nouvel accès a été aménagé dans ce rempart. Constitué de deux portes reliées par un passage en chicane, il permet de traverser le dispositif remparé et d’accéder par le nord à la cour d’habitation [fig. 109]. Dans l’ancien fossé partiellement comblé qui ceint désormais le rempart intérieur, une palissade a été érigée. Une mise en protection de la tour portière que le mobilier date du milieu du ier s. av. J.-C. [fig. 110]. Côté sud, un second accès est constitué de deux portes dont la première est défendue par une tour portière et la seconde par une palissade [fig. 111-113]. Entre les deux enceintes, un four a été installé sur des remblais de la toute fin du iie s. av. J.-C. [fig. 114] apportés là pour combler un ancien fossé [fig. 115]. La palissade est elle aussi maintenue avec des remblais de l’extrême fin du iie s. av. J.-C. [fig. 116]. Dans la cour d’habitation, au débouché de cette porte, a été bâti un petit bâtiment de 7,50 m de côté [fig. 117]. À l’angle nord-ouest de l’enceinte, le rempart intérieur s’est effondré, du fait du tassement des remblais de l’ancienne carrière [fig. 118]. Cet accident a conduit à rectifier son tracé en le faisant s’adosser à la maison. Un dépotoir installé à cet endroit dans une partie de fossé devenue inutile, a livré de nombreux objets datés du dernier quart du ier s. av. J.-C. dont un buste [fig. 119-120]. Sous la maison, le vieux souterrain no 6, creusé à la phase 2 et abandonné à la phase 4 après l’incendie, est en partie comblé. Sa voûte s’est effondrée. La cavité ainsi créée a été comblée avec des terres et des objets de la première moitié du ier s. av. J.-C. dont deux bustes [fig. 121]. Toujours dans la cour, une vaste construction a été édifiée face à la maison [fig. 122-123]. Délimitée par une paroi de planches au sud et de poteaux au nord, elle s’ouvre à l’ouest par un portique. Sa surface (700 m2) et le positionnement de ses fondations interdisent d’imaginer qu’elle était couverte. La réfection de sa paroi rend également peu vraisemblable qu’il ait pu s’agir d’une construction éphémère. Le seul édifice comparable semble être celui de Corent (Puy-de-Dôme) qui se présente comme une esplanade dont la partie ouest forme un hémicycle (Poux, Demierre 2015 : 632, 636-639). Comme celle de Corent, cette construction pourrait avoir été un lieu de réunion, un espace construit pour accueillir un grand nombre de personnes. Deux puits ont été creusés dans la cour. Le premier s’inscrit dans un ensemble complexe dans lequel on a pu reconnaître un abri de 63 m2 et ce qui semble être une canalisation [fig. 124]. De section grossièrement carrée (1,10 m de côté), le puits a été taillé au pic et au burin dans un grès compact jusqu’à 18,33 m de profondeur [fig. 125a-c]. Une série régulière d’encoches taillées dans sa paroi nord a facilité la descente et la remontée des puisatiers [fig. 125d, f]. Son comblement a livré un ensemble de bois exceptionnel : des planches perforées, des pièces de charpente, des chevilles, un seau et les éléments d’une machine de puisage en chêne [fig. 125e]. Quelques branches [fig. 125g], des feuilles [fig. 125h] et des noisettes consommées [fig. 125i] reposaient sur le fond. Plusieurs meules et quelques objets y ont également été jetés [fig. 126]. La céramique fournit la fin du ier s. av. J.-C comme terminus ante quem pour l’utilisation de ce point d’eau, datation confirmée par l’analyse dendrochronologique qui situe l’abattage du chêne en 62 av. J.-C., et le façonnage du seau et des deux autres pièces entre 68 et 27 av. J.-C. [fig. 127]. L’abandon serait donc postérieur à 25 av. J.-C. La canalisation, sans doute accolée à une cuve protégée des intempéries par l’abri clayonné, devait recevoir l’eau remontée par la machine ; elle traverse la cour en direction de la maison. Le second puits, ouvert près de la porte nord et dont le creusement a été arrêté à 14,90 m sans que l’eau soit atteinte [fig. 128], a été remblayé avec la pierraille extraite lors du creusement et quelques objets [fig. 129]. Le comblement des deux puits semble être contemporain : il a dû se produire dans le dernier quart du ier s. av. J.-C. Les puits du second âge du Fer atteignant de telles profondeurs sont peu fréquents. On peut néanmoins citer ceux de Holzhausen et Fellbach / Schmiden, en Allemagne.La construction de la nouvelle enceinte a imposé de profonds remaniements de la porte nord de l’avant-cour. Un pont est désormais nécessaire pour y accéder. Dans un premier temps, la nouvelle douve est connectée au fossé qui ceint l’avant-cour depuis la phase 2 [fig. 130a]. Puis une palissade est dressée dans le fossé de l’avant-cour, en avant du rempart [fig. 130b-131]. Les nombreux objets mêlés aux remblais qui la maintiennent [fig. 132-133], dont un buste, datent ces travaux du milieu du ier s. av. J.-C. Des modifications interviennent également dans la basse-cour. Au nord-est de la résidence, un bâtiment de 56 m2 au sol possède sans doute un étage [fig. 134]. Au nord, sur l’esplanade qui précède le rempart, est construit un second ensemble au plan plus incertain ainsi qu’un four [fig. 135]. Au sud, le bâtiment à trois corps abritant l’écurie est contraint de modifier l’alignement de sa façade nord du fait de l’édification du nouveau rempart [fig. 89]. À l’est, l’enclos de stockage carré a fait l’objet d’importants travaux [fig. 136]. Sa clôture est constituée désormais d’une palissade. L’ancien grenier a été démoli et trois nouveaux bâtiments ont été construits : le premier, au nord, est un porche d’accès couvert de 8,10 × 7,80 m, dominant deux portes à double battant [fig. 137]. Trois de ses poteaux de soutènement sont installés dans le comblement de l’ancien fossé d’enceinte de l’enclos [fig. 138], daté de la seconde moitié du iie s. av. J.-C. Dans la cour, un bâtiment long de 18 m au tracé régulateur bien repérable [fig. 139] doit être interprété comme un entrepôt, similaire notamment à ceux de Vendresse dans les Ardennes (Laurelut et al. 2002) et de Borny, à Metz, en Lorraine (Thiérot, Feller 2005), tous deux datés de la fin de l’âge du Fer ou du début de l’Antiquité. Les fondations d’un bâtiment ovale ont livré quelques objets dont des disques de pierre (peut-être des poids) et une masselotte de plomb [fig. 140]. Un essai de restitution [fig. 141] permet de se rendre compte de la dimension et de la fonctionnalité de ces installations conçues pour traiter et stocker les récoltes. Elles s’apparentent aux horrea des camps militaires romains ou d’autres sites de contrôle des productions agricoles. Plus à l’est, une palissade est implantée dans le fossé de l’enclos rectangulaire [fig. 142]. La charpente du long bâtiment qui en occupe le centre est revue pour aménager un passage traversant. Dans le fossé, si l’on excepte deux fragments enfouis à la phase précédente, tout le mobilier a été retrouvé dans le remblai de calage de la palissade. La céramique est caractéristique de la fin du iie s. av. J.-C ou du début du siècle suivant. Sa répartition est révélatrice [fig. 143] : le fossé n’en livré qu’au voisinage des portes. L’ensemble mobilier le plus imposant, abandonné à proximité du bâtiment qui occupe l’angle nord-ouest de l’enclos, est caractéristique des rejets domestiques, ce qui conduit à interpréter l’édifice comme une habitation. La restitution [fig. 144] rend compte de la monumentalité et de la fonctionnalité du dispositif qui permettait, comme pour l’enclos carré, de mettre les réserves agricoles à l’abri au sein d’espaces bien protégés et gardiennés. Le reste de la basse-cour n’a été que très peu étudié, mais partout le semis des trous de poteau atteste de la présence de bâtiments [fig. 145]. La phase 5 est donc marquée par le renforcement des défenses de l’habitat, sans que cela n’affecte son organisation générale telle qu’elle a été définie à la phase 4 : celle d’une résidence remparée entourée d’une vaste basse-cour enclose [fig. 146-147]. L’enceinte quadrangulaire, toujours précédée d’une avant-cour [fig. 148-149], domine désormais un habitat groupé placé sous son contrôle [fig. 150]. La densité et l’organisation de cette basse-cour sont encore incertaines toutefois. Les restitutions proposées doivent donc être vues comme des évocations. During the first half of the 2nd c. BC, the ditch that preceded the rampart separating the courtyard and the forecourt of the residence was gradually filled in. When Phase 5 began, at around 150 BC, it was completely filled to install, near the northern door of the forecourt, a forge of 67 m2 [fig. 104a]. This workshop knew three successive stages [fig. 104b]. During the third quarter of the 2nd c. BC, it was demolished to enable the construction of a new enceinte that delimited the dwelling courtyard, whichh was protected, as during Phase 3, by two concentric defensive lines [fig. 105-106]. The new rampart that englobed part of the former talus of Phase 1 is so large (8 m wide at the bottom, an estimated 3 m high) that it has remained above ground until the present. It was preceded by a double ditch system [fig. 107] and topped with a rampart walk covered or protected by a parapet [fig. 108]. A new entrance was created in this rampart. Comprised of two doors linked by a chicane passage, it enabled one to traverse the ramparted system to reach the northern part of the dwelling courtyard [fig. 109]. In the former partially filled ditch that now surrounds the interior rampart, a palisade was constructed. The door tower dated by the artifacts to the middle of the 1st c. BC was protected [fig. 110]. On the other side, a second entrance is comprised of two doors, the first of which was protected by a door tower, and the second by a palisade [fig. 111-113]. Between these two enceintes, an oven was installed on the top of backfills from the end of the 2nd c. BC [fig. 114], brought to the courtyard to fill a former ditch [fig. 115]. The palisade was also maintained with rubble from the end of the 2nd c. BC [fig. 116]. In the dwelling courtyard, at the opening of this door, a small, 7.50 × 7.50 m building was erected [fig. 117]. At the north-west corner of the enceinte, the interior rampart collapsed due to the compression of the rubble of the former quarry [fig. 118]. This accident led to the modification of its location to run along the house. A dumping area installed here in part of a ditch that was no longer useful yielded numerous objects dated to the last quarter of the 1st c. BC, including a bust [fig. 119-120]. Under the house, the old Souterrain 6, dug during Phase 2 and abandoned in Phase 4 after the fire, was partially filled in. Its ceiling collapsed. The cavity this created was filled with dirt and artifacts from the first half of the 1st c. BC, including two busts [fig. 121]. Also in the courtyard, a very large building was erected opposite the house [fig. 122-123]. Delimited by a wall of boards to the south and posts to the north, it opened to the west through a portico. Its surface area (700 m2) and the position of its foundations show that it could not have been covered. The repair of its wall also strongly indicates that this was not a temporary construction. The only comparable edifice seems to be that of Corent (Puy-de-Dôme), which is an esplanade whose western part forms a hemicycle (Poux, Demierre 2015: 632, 636-639). Like that of Corent, this construction could have been a meeting place built to accommodate a large number of persons. Two wells were dug in the courtyard. The first one belongs to an ensemble in which we were able to identify a 63 m2 shelter and what seems to be a conduit [fig. 124]. The well, with a largely squared cross-section (1,10 m per side), was dug with a pick and burin into compact sandstone to a depth of 18.33 m [fig. 125a-c]. A regular series of notches carved into its northern wall facilitated the descent and ascent of the well-diggers [fig. 125d-f]. Its infill yielded an exceptional assemblage of wood artifacts: perforated boards, framing pieces, pegs, a bucket and elements of an oak drawing machine [fig. 125e]. A few branches [fig. 125g], leaves [fig. 125h] and consumed hazelnuts [fig. 125i] were found at the bottom of the well. Several grinding stones and a few other objects were also thrown into it [fig. 126]. Based on the ceramics, a terminus ante quem of the end of the 1st c. BC was determined for the use of this water source. This date was confirmed by a dendrochronological analysis that situates the oak felling at 62 BC, and the manufacturing of the bucket and two other pieces between 68 and 27 BC [fig. 127]. The well was thus abandoned after 25 BC. The conduit system, probably linked to a reservoir protected from the weather by a wattle-and-daub shelter, must have collected the water drawn by the machine; it traversed the courtyard in the direction of the house. The second well, located near the northern door, and whose digging stopped at 14.90 m without reaching the water [fig. 128], was filled with loose stones extracted during its digging, along a few other objects [fig. 129]. The two wells seem to have been filled in at approximately the same time, during the last quarter of the 1st c. BC. Very few wells of the Second Iron Age attained these depths. We can nonetheless cite those of Holzhausen and Fellbach / Schmiden in Germany.The construction of the new enceinte required significant changes to the northern door of the forecourt. A bridge was now necessary to reach it. First, the new moat was connected to the ditch that had surrounded the forecourt since Phase 2 [fig. 130a]. A palisade was then erected in the forecourt ditch in front of the rampart [fig. 130b-131]. The numerous objects mixed with the rubble that supports it [fig. 132-133], including a bust, date this work to the middle of the 1st c. BC. Modifications were also made to the farmyard. To the north-east of the residence, a 56 m2 building probably had a second floor [fig. 134]. To the north, on the esplanade preceding the rampart, a second group was constructed in a more uncertain plan, along with an oven [fig. 135]. To the south, the alignment of the northern facade of the building with three sections housing the stable had to be modified due to the construction of the new rampart [fig. 89]. To the east, the square storage enclosure underwent extensive modifications [fig. 136]. Its enclosure now consists of a palisade. The former granary was demolished and three new buildings were constructed: the first one, to the north, is a covered access porch (8,10 × 7,80 m) dominating two, double-doored entries [fig. 137]. Three of its support posts are implanted in the infill of the former ditch of the enclosure enceinte [fig. 138], dated to the second half of the 2nd c. BC. In the courtyard, an 18-meter-long building with a very visible geometric system of proportions [fig. 139] must be interpreted as a warehouse similar to those of Vendress in the Ardennes (Laurelut et al. 2002) and Borny in Metz, in the Lorraine (Thiérot, Feller 2005), both dated to the end of the Iron Age and the start of Antiquity. The foundations of an oval-shaped building yielded a few objects including stone disks (perhaps weights) and a lead balancing weight [fig. 140]. A reconstruction attempt [fig. 141] provides information on the dimensions and function of these installations designed to process and store the harvests. They are similar to the horrea of the Roman military camps and other agricultural production control sites. Further to the east, a palisade is implanted in the ditch of the rectangular enclosure [fig. 142]. The frame of the long building in the center was modified to create a traversing passage. In the ditch, except for two fragments buried during the preceding phase, all the artifacts were found in the wedging rubble of the palisade. The pottery is characteristic of the end of the 2nd c. BC or the start of the following century. The distribution of these objects is informative [fig. 143] as all the objects found in the ditch are near the doors. All of the largest artifacts, discarded near the building located in the north-west corner of the enclosure, are typical of domestic waste, enabling us to interpret this building as a dwelling. Our reconstruction [fig. 144] shows the monumentality and functionality of this building set, which enabled the residents, as did the square enclosure, to store to agricultural reserves in well sheltered and guarded spaces. The rest of the farmyard has not been studied in depth, but the traces of postholes all across it attests to the presence of buildings [fig. 145]. Phase 5 is thus marked by the reinforcement of the defense systems of the settlement, without affecting the general organization as it was defined in Phase 4: a ramparted residence surrounded by a large, enclosed farmyard [fig. 146-147]. The quadrangular enceinte, always preceded by a forecourt [fig. 148-149], now dominates a grouped settlement under its control [fig. 150]. The density and organization of this farmyard are nonetheless uncertain. The proposed reconstructions must thus be considered hypothetical.

Details

Language :
French
Database :
OpenAIRE
Accession number :
edsair.openedition...6dadc2ed2006c16bdab2d8c2654d2cbc