Les Créoles ou la vie aux Antilles

La présente édition critique du roman Les Créoles ou la vie aux Antilles (1835) espère pouvoir porter un nouvel intérêt pour les premiers textes littéraires des Antilles, mais à condition qu’on lise ce roman d’un béké avec un regard critique. Car pour autant que l’on peut trouver des échos entre cet ouvrage et la théorisation contemporaine de la littérature antillaise, il faut effectivement se demander pourquoi lire aujourd’hui ce roman dont la forme aussi bien que le contenu nous sembleraient désuets ? Pourquoi réactualiser ces représen- tations stéréotypées des noirs ? ou ces versions biaisées de l’esclavage ? Les Créoles est un roman problématique à plusieurs égards. À travers son récit Levilloux illustre comment la brutalité du système esclavagiste produit forcément une réponse violente de ceux qui le subissent. En même temps, l’écriture abonde en métaphores et comparaisons qui déshumanisent les noirs. Or, c’est pour ce double discours que ce roman devrait intéresser le lecteur d’aujourd’hui : il jette de la lumière sur l’imbrication historique de la pensée raciste dans l’histoire coloniale de l’Europe. Mais surtout, le livre de Levilloux se présente comme un excellent exemple de la tendance à déplacer le problème racial à l’extérieur de la construction de l’identité nationale moderne. Ces questions complexes nous touchent de près à une époque où l’on traverse une période de ré-interrogation de cette histoire, de ces représentations et de l’influence qu’elles ont encore sur la société dans laquelle nous vivons.