L'originalité de notre travail porte sur le destin des affects chez des femmes adultes ayant subi des agressions sexuelles répétées de la part de leur père durant leur enfance et/ou leur adolescence. Nous nous intéresserons plus particulièrement aux effets du trauma sur leur vie affective. Une méthodologie qualitative a été choisie, combinant entretiens cliniques de recherche et épreuve projective du Rorschach pour trois femmes suivies dans une association d'aide aux victimes. Après qu'elles eurent donné leur accord, nous nous sommes assurés qu'elles étaient suivies par un thérapeute car la recherche pouvait réactiver des souvenirs dramatiques et provoquer chez elles du mal-être. À partir du Rorschach, nous pouvons repérer le manque de liaison entre affect et représentation chez nos patientes. Pour deux patientes, l'affect est volatil, pouvant être de nature plaisante puis basculer rapidement dans le déplaisir ou générer de l'angoisse. Chez la troisième patiente, il est réprimé. Cette répression empêche l'expression des affects qui échoueraient à être pris en charge par le psychisme du fait de leur caractère désorganisant. Chez des femmes ayant vécu une expérience traumatique telle que l'inceste, la vie affective semble touchée, atteinte. À l'issue de cette recherche, le terme de distorsion est discuté, renvoyant d'une part à la déformation et d'autre part, au mouvement imposé. Il cumule donc l'idée de contrainte par l'autre et de discontinuité (touchant au mode de la qualité). Nous pouvons émettre l'hypothèse que l'affect serait distordu, en raison d'une impossibilité précoce de l'environnement à donner du sens aux éprouvés du jeune enfant. Ce dernier a été pris précocement dans le désir du parent incestueux, l'amenant à se soumettre aux attentes de l'agresseur et à s'oublier. En plus de la distorsion, une autre voie peut être possible, celle de la répression où l'affect est réprimé, le sujet se retirant de sa vie psychique et émotionnelle afin de ne plus ressentir. Distorsion affective et répression semblent associées au clivage du moi car le sujet se coupe d'une partie de lui-même en refusant de reconnaître des pans de sa vie émotionnelle (répression), ou d'identifier des affects comme s'il avait perdu sa capacité de discrimination (le plaisant/le mauvais). Ne peut-on pas y voir un effet de l'identification à l'agresseur ? Reconnaître les destins de l'affect (distorsion et répression) chez des femmes ayant subi un inceste nous encourage à interroger les modalités d'accompagnement thérapeutique classique basées sur la libre association. Dans un premier temps, cet appel à l'associativité pourrait s'apparenter à une menace à laquelle le sujet répondrait soit par un repli, une mise en retrait (anesthésie affective), soit par un sentiment de dilution des limites. Afin d'aménager le cadre thérapeutique, le clinicien, en s'appuyant sur le transfert et le contre-transfert, pourrait offrir des mots pour qualifier l'expérience affective malmenée par l'inceste. En effet, ce dernier a pu redoubler la difficulté à identifier et à reconnaître ce qui est bien, mal, plaisant ou au contraire déplaisant en lien avec des expériences primaires, ayant entravé la fonction réflexive. The originality of our work lies in the fate of affects in adult women who have been repeatedly sexually abused by their fathers during their childhood and/or adolescence. We are particularly interested in the effects of their emotional life trauma. A qualitative methodology was chosen, combining clinical research interviews and a projective Rorschach test for three women followed in a victim support association. After they had given their consent, we made sure they were followed by a therapist because the research could reactivate dramatic memories and cause them to feel unwell. From the Rorschach, we can identify the lack of connection between affect and representation in our patients. For two patients, the affect is volatile, which can be of a pleasant nature and then quickly switch to displeasure or generate anxiety. In the third patient, it is repressed. This repression prevents the expression of affects, which would fail to be taken care of by the psyche because of their disorganizing character. Women who have lived through a traumatic experience such as incest, seem to have their emotional life affected. At the end of this research, the term distortion is discussed, referring on the one hand to deformation and on the other hand to imposed movement. It thus cumulates the idea of constraint by the other and discontinuity (touching on the mode of quality). We can put forward the hypothesis that the affect would be distorted, due to an early impossibility of the environment to give meaning to the experiences of the young child. The latter was caught early in the desire of the incestuous parent, leading him to submit to the expectations of the aggressor and to forget himself. In addition to distortion, another way may be possible, that of repression where the affect is repressed, the subject withdrawing from his psychic and emotional life in order to no longer feel. Emotional distortion and repression seem to be associated with the self clivage as the subject cuts himself off from a part of himself by refusing to recognize parts of his emotional life (repression), or to identify affects as if he had lost his ability to discriminate (the good/bad). Can't this be seen as an effect of identification with the aggressor? Recognizing the fates of affect (distortion and repression) in women who have suffered from incest encourages us to question the classic therapeutic accompaniment modalities based on free association. Initially, this call for associativity could resemble a threat to which the subject would respond either by withdrawing or withdrawing (affective anaesthesia), or by a feeling of dilution of limits. In order to arrange the therapeutic framework, the clinician, relying on transference and counter-transference, could offer words to qualify the incest emotional experience abused by incest. Indeed, the latter could redouble the difficulty in identifying and recognizing what is good, bad, pleasant, or on the contrary unpleasant in relation to primary experiences, which have hindered the reflexive function. [ABSTRACT FROM AUTHOR]