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Cet article porte sur l’exemplarité problématique des romans français du XIXe siècle mobilisant une visée prophylactique, soit des romans où l’éthique est explicitement reliée au récit d’une maladie. Exemplarité problématique dans la mesure où le comportement décrit dans la fiction n’est a priori pas le comportement à suivre en dehors de la fiction. Cette tension entre finalité romanesque et finalité éthique recoupe en outre un des enjeux majeurs auquel le roman du xixe siècle doit faire face : prouver sa capacité à produire et à transmettre un savoir en prise avec le réel, en dépit des accusations traditionnelles faisant de lui un art trompeur. This article deals with the problematic exemplarity of 19th century French novels with a prophylactic aim, i.e. novels in which ethics is explicitly linked to the narrative of a disease. This exemplarity is problematic insofar as the behaviour described in the fiction is not a priori the behaviour to be followed outside the fiction. This tension between novel finality and ethical finality also overlaps with one of the major challenges facing the novel in the nineteenth century: proving its capacity to produce and transmit knowledge that is in touch with reality, despite the traditional accusations that it is a deceptive art form.

Cet article analyse le fonctionnement de la rumeur dans deux romans « politiques » de Flaubert et Zola, L’Éducation sentimentale et La Fortune des Rougon, en faisant un détour par le roman archéologique Salammbô. Son enjeu est de montrer que les deux romanciers font de la rumeur un élément de la sociabilité ordinaire, alors que le contexte de ces œuvres inciterait plutôt à en faire le symptôme d’une crise. Ce choix romanesque, qui se démarque des théories contemporaines de la rumeur (considérée comme un phénomène pathologique), participe de la satire à l’œuvre, et traduit l’évolution d’une société désormais régie par l’Opinion. This article analyses the functioning of rumour in two “political” novels by Flaubert and Zola, L’Éducationsentimentale and La Fortune des Rougon, with a detour through the archaeological novel Salammbô. The aim is to show that the two novelists make rumour an element of ordinary sociability, whereas the context of these works would rather suggest that it is a symptom of a crisis. This novelistic choice, which differs from contemporary theories of rumour (considered as a pathological phenomenon), is part of the satire, and reflects the evolution of a society now led by Opinion.

This article explores the body expression of the unconscious, from the 1880s to the 1920s. Associated with a form of primitivity, this ‘corporal unconscious’ is in fact a style, and a style itself strongly identified with a technical innovation: first of all, the medical technique of hypnosis, then the aesthetic technique of film projection, conceived or assumed as a process of artialization.

Symbole d’une coopération efficace entre des chercheurs du monde entier, ce septième colloque du CIR 17, mais le premier à se dérouler en Afrique, se propose de «découvrir les horizons africains de la France au dix-septième siècle» (Alia Baccar Bournaz, p. 17), autour de six axes, mêlant les types de textes et les perspectives de recherche. Dans «L’Afrique dénommée», Sonia Gadhoum et Sergio Poli interrogent la place de l’Afrique dans la lexicographie du XVIIe siècle, à travers Furetière princ...

Les actes de ce colloque tenu à l’Université de Bordeaux III en décembre 2003 ne constituent pas une monographie mais visent à «effectuer en quelque sorte une coupe synchronique pour tenter de comprendre ce qui se joue, se tisse, se construit dans l’espace littéraire de la dernière décade du dix-neuvième siècle». Dans cette perspective, Émile Zola est avant tout envisagé comme le représentant d’une position emblématique sur l’échiquier littéraire, et ces actes tentent de le restituer au rappo...

Géraldine Leroy étudie les interférences entre littérature et politique au moment où l’engagement politique est en passe de devenir une composante obligée du statut de l’«intellectuel». Plutôt que de choisir une répartition par monographies d’écrivains, l’auteure a privilégié une approche axée sur les grands thèmes et événements ayant fait débat et obligés les écrivains à prendre position. Puisque la période étudiée s’ouvre par la défaite française de 1870 et se ferme sur l’entrée de la Franc...

Le xixe siècle, siècle de la gastronomie ? La Révolution qui lui donne naissance est, quoi qu'il en soit, également culinaire. Le Bourgeois s'empare de la table laissée vacante par l'Émigré, et fait du « ventre en majesté » l'indice de sa conquête sociale. Aiguillé par le nouveau discours gastronome et la diététique qui en découle, l'artiste - et en premier l'homme de lettres - semble quant à lui considérer sous un jour nouveau l'innutrition à l'origine de ses œuvres. Des Carnets de Joseph Joubert aux variations littéraires autour du Hungerkünstler, du Traité des excitants modernes de Balzac à la « gourmandise » salvatrice de Gide, l'art du xxie siècle interroge le lien entre rythme de la création et rythme de la nutrition. Parallèlement, la « physiologie du goût » inspire le discours critique, et fournit un nouveau paradigme pour dire le Beau en l'associant au Savoureux, louer ou disqualifier les œuvres en fonction de leur rapport à la nourriture. C'est cette « cuisine de l'œuvre » qu'abordent ici spécialistes de la littérature et historiens de l'art, en tentant de cerner un art de se nourrir où dialoguent discours esthétique, médical et politique.

L’interrogation par laquelle le jeune Henri Beyle ouvre sa réflexion sur les passions est emblématique des questions que pose, à l’orée du XIXe siècle, la reconfiguration de la carte des savoirs induite par le démantèlement du système des Belles-Lettres. Si, au sortir de la Révolution, les frontières entre littérature et science sont encore très poreuses, la réalité d’une « différence » tend en effet à s’imposer, même si ce qui la fonde demeure objet de débats. Celle qu’établit le futur auteu...

« [M]ange-t-on dans René ? » s’interroge Balzac en 1820, s’élevant ainsi contre l’anorexie des personnages romantiques. « Combien de temps peut vivre un couple d’amoureux/Sans boire ni manger, cœur plein, et ventre creux ? », ironise Hugo. L’estomac romantique, cet absent. Il y aurait une littérature où l’on ne mange pas, et une littérature où l’on mange. Rare depuis Rabelais, et essentiellement représentée par un courant burlesque ou picaresque, la représentation littéraire de l’alimentation...

Ah ! espérons que MM. les républicains vont nous permettre de dîner ! Mise en bouche Lorsque Barbey d’Aurevilly affirme que la « littérature du xixe siècle est une littérature qui mange », ce n’est pas pour fustiger une esthétique réaliste honnie, mais bien plutôt pour railler la mode grandissante de la « réclame » à laquelle participent les « dîners littéraires ». Ses allusions aux fêtes impériales montrent néanmoins que l’objet de son courroux (le « dîner du Palais-Pompéien », ancien palais...

Les « fables du politique » façonnent les grandes lois du pouvoir et de l'autorité, mettent en scène le fonctionnement de la société, disent, dans la polyphonie ou la monologie narratives, la démocratie ou le despotisme. Elles se manifestent aussi dans les conflits entre les sexes, les classes sociales et les positions politiques. Des Lettres persanes de Montesquieu aux récits de l'extrême contemporain, des utopies aux dystopies, sont ici étudiées les structures, les formes, les lieux et les représentations du politique, par des spécialistes de littérature. à la mémoire de Jean-Paul Schneider

Lorsqu'en 1907, Octave Mirbeau fait paraître La 628-E8, récit d'un voyage en automobile à travers l'Europe, il suscite aussitôt le scandale : un chapitre consacré à la mort de Balzac - qui sera retiré -, un éloge des Allemands, au moment où le patriotisme est devenu nationalisme, une célébration, futuriste, de la vitesse et de sa violence. S'achevant à Strasbourg, ce récit de voyage a réuni, cent ans après, à l'Université Marc-Bloch de Strasbourg, une trentaine de chercheurs, pour les uns spécialistes de Mirbeau, pour les autres, comparatistes ou historiens d'art. L'œuvre européenne de Mirbeau a ainsi trouvé sa place, à la frontière des pays et des genres.

Focalisé sur la fonction expressive du corps dans "L’Abbé Jules" d’Octave Mirbeau, cet article envisage moins le corps comme un sujet du discours que comme un objet de langage. Compris comme un ensemble de signes à déchiffrer, le corps nourrit la satire, en véhiculant la caricature, en trahissant les intentions cachées des personnages ou en traduisant physiologiquement les méfaits dénoncés. Mais si le corps parle chez Mirbeau, c’est moins parce qu’il révèle la nature des personnages que parce qu’il manifeste, de manière abrupte et souvent comique, le scandale dont le roman entend se faire le porte-voix. Il participerait ainsi d’une esthétique de l’incohérence qui complète la mystification portée par le discours, mais s’en distingue dans ses modalités : alors que le discours, par le biais de la mystification, emprunte la voie de la tromperie et de la temporisation, le corps, lui, aurait vocation à soutenir un langage de vérité, avec toute la brutalité d’une épiphanie.

Dans cet ouvrage, ma contribution, centrée sur les métaphores cliniques, interroge le rôle de la littérature dans le « durcissement » (Isabelle Stengers) de la médecine des maladies mentales, et évalue en retour l’usage métaphorique des concepts médicaux dans la propre ambition de « durcissement » d’une partie de la littérature. Dans l’interrogation de ce croisement, il s’agit moins d’établir des critères de scientificité que de mettre en relief leurs conséquences : négatives, dans le cas des idéologies scientifiques ; positives, lorsqu’il s’agit du pouvoir proprement poétique de l’invention médicale, et de l’efficience du langage (scientifique, littéraire) dans la création de catégories aptes à rendre compte du réel. Le croisement entre littérature et médecine de l’esprit est d’abord envisagé dans une perspective à la fois historique et théorique, afin de dégager les raisons stratégiques de la convergence des deux domaines au XIXe siècle, et d’interroger le rôle de la métaphore dans la pensée scientifique. Centrée sur l’étiologie (ou science des causes), la seconde partie de ma contribution analyse en priorité l’aspect « négatif » de ce croisement. Elle se concentre sur les idéologies scientifiques qui ont pu se développer dans le sillage d’un discours que l’on peut qualifier de « médico-littéraire ». La maladie y sert avant tout de prête-nom, de « conte étiologique » beaucoup plus que de fiction épistémologique. La troisième partie renverse alors la proposition, et se concentre sur le rôle épistémologique de la fiction, en analysant les interactions fécondes du discours littéraire et du discours médical, en particulier dans le domaine de la psychiatrie. La métaphore y est envisagée non plus comme un instrument normatif ou un « modèle formel » cantonné à une fonction de vérification (Judith Schlanger), mais comme un « modèle conceptuel » à vocation heuristique. Centrée sur la description, la dernière partie tente de remonter aux sources de la « convergence métaphorique » (François Azouvi) dont témoigne le croisement des discours littéraire et médical, et ainsi de circonscrire ce qui peut garantir son efficacité heuristique. La « nouvelle découpe des choses » initiée, selon Michel Foucault, par la « naissance de la clinique » au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, peut, dans cette perspective, offrir une esquisse de réponse : définie comme une manière de regarder le réel, et de « faire parler ce que tout le monde voit sans le voir » (Foucault), la clinique offre à la littérature le modèle d’une description éloquente où le regard médical devient le relais du pouvoir du langage. L’étiologie, le récit de cas et la nosographie constituent donc les trois voies suivies pour analyser les emprunts métaphoriques de la littérature à une médecine considérée, depuis les Idéologues, comme la science de l’Homme par excellence. Le conte étiologique, la fiction épistémologique et la description heuristique sont, en retour, les trois formes qui permettent de mesurer l’apport de la littérature à un art clinique lui-même en quête de légitimation, et d’une efficacité rhétorique cherchant à rendre la vision médicale évidente.

Cette anthologie illustre les différentes modalités du croisement, au XIXe siècle, entre littérature et science. Le chapitre « Qualifications et disqualifications » envisage la manière dont discours littéraire et discours scientifique ont pu constituer un modèle l’un pour l’autre, ou à l’inverse se construire l’un contre l’autre. Il regroupe une vingtaine de textes emblématiques, allant de Joseph-François Michaud (« De l’algébromanie », 1802) à Robert Fath ("L’influence de la science sur la littérature française dans la seconde moitié du XIXe siècle", 1901), de George Cuvier au docteur Cabanès.

Les actes du colloque « Octave Mirbeau : passions et anathèmes » dressent le portrait d'un personnage complexe et fascinant. C'est un hédoniste, avide de toutes les formes de la vie, qui a bien vu les possibilités de conquête qu'offre le progrès, et notamment l'automobile. C'est aussi un bon connaisseur des salons parisiens, et un chantre de l'amitié. En même temps, il est concerné de façon clinique par la douleur – personnelle, quand il s'agit de sa difficulté à écrire, collective face à la misère sociale. Sa trajectoire personnelle, faite de tensions, d'antagonismes, de préoccupations profondes, est tout entière dans son œuvre, et dans la théorie des personnages singuliers qui y défilent, si singuliers qu'ils ont suscité des adaptations cinématographiques, entre autres de Buñuel et Gion. Les choix d'écriture de Mirbeau conduisent le lecteur au vertige, devant le statut indécidable d'une œuvre qui entrouvre bien des portes qu'on peut hésiter à franchir. La théorie de l'art qui peut ressortir de ses divers écrits montre une grande intelligence de la place du lecteur, de la question du public, dans l'avenir de l'œuvre.

En choisissant d’accoler une étiquette esthétique à sa négation, cette communication n’entend pas mettre à jour l’inscription de Mirbeau dans le « style 1900 », mais tente de cerner, à travers deux œuvres encadrant une date symbolique, le jeu avec ce qu’il est convenu d’appeler des attentes de lecture. Autrement dit, s’interroger non sur l’inscription de l’œuvre de Mirbeau dans une optique, mais sur la manière dont celle-ci la déçoit, en vertu même de la collection de points de vue qu’elle entend restituer. Partant de ce constat simple que Le Jardin des supplices et Les 21 Jours d’un neurasthénique ne sont pas, à proprement parler, des œuvres inédites, il s’agira plus précisément de se demander comment la virulence polémique de morceaux épars a pu s’incarner dans une nouvelle forme qui, bien qu’elle remette en cause la narration classique comme d’autres avant et après elle, propose cette curiosité de ne pas reposer sur l’invention d’arguments nouveaux, mais sur une disposition ruinant à l’inverse l’efficacité argumentaire des composantes qu’elle regroupe. Dans cette perspective, si la démonstration romanesque, devenue problématique, attaque bien la capacité du langage à véhiculer un sens, celle-ci ne prend pas la forme d’un « merdre » tonitruant, mais d’une collection de discours saturant de sens une réalité reconstruite au sein de l’œuvre, et faisant de la palinodie la forme même d’une énonciation polémique The juxtaposition of an aesthetic label and the denial of it does not imply that this contribution should aim at reassessing Mirbeau as a turn-of-the-century novelist. Actually, the whole point is to try, through two novels respectively published before and after a symbolical year, to define the technique used by the novelist to play with what is commonly referred to as reading expectations. In other words, the purpose is not to raise questions about labelling Mirbeau’s works and making them fit in with one perspective, but to study how his works deny the label, by taking into account the considerable amount of points of view his works intend to echo. Starting from the simple statement that Le Jardin des supplices and Les 21 Jours d’un neurasthénique are not, strictly speaking, novel material, it is a matter of knowing how the polemic violence of previous works could take on a new form, which, though it challenges the classical narrative—as others did before and afterwards—, shows the oddity of not being based on the invention of new arguments, but on an arrangement which on the contrary weakens the efficiency of the components it brings together. In this perspective, though the novelistic demonstration, once it has become problematic, actually attacks the capacity of language to convey significance, it doesn’t take the form of a thundering “merdre” but that of a collection of discourses which endow the reality rebuilt inside the novel with pervasive significance, and establish palinodes as the very form of polemic enunciation

Cet essai part d’une citation de Philarète Chasles à propos de "La Peau de chagrin" (« Holà ! Messer Gaster, voici votre règne ! ») et envisage le sens, les raisons et le bien-fondé d’une telle exclamation. Associée au triomphe du matérialisme par Chasles, l’allégorie de Gaster permet en effet d’envisager le déploiement, au 19e siècle, d’une vaste littérature de l’estomac confirmant le rôle prépondérant que l’« imaginaire social » du siècle a assigné aux fonctions nutritives et digestives. Par-delà la diversité des champs mobilisés, le principe d’organisation que l’estomac permet d’évoquer ou de justifier témoigne en particulier de la polymathie de la « physiologie » au 19e siècle, à la fois domaine de connaissance spécialisé, méthode d’analyse et d’exposition, « genre » esthétique volontiers parodique, et manière d’appréhender le corps social. La première partie (« Gastronomiana : physiologie du corpus gastronomique ») montre que la littérature de l’estomac se trouve au centre d’un vaste champ de représentations pluridisciplinaires, dont elle fait ressortir les convergences. La première d’entre elles est la mobilisation d’un imaginaire physiologique incarnant le nouvel équilibre entre le corps et la pensée établi au tournant du siècle par les Idéologues, et très largement relayé par un discours gastronomique soucieux de proposer une réflexion sur l’homme en général. La promotion de la gastronomie ne peut néanmoins être séparée de la reconfiguration politique dans laquelle elle s’opère. Présentée comme un moyen de reconstruire l’édifice social et le vivre-ensemble malmenés par la Révolution française, la gastronomie est en effet une pièce maîtresse dans l’affirmation politique de la bourgeoisie : elle symbolise un passage de relais entre l’aristocratie et l’oligarchie, tout en apparaissant comme une création de la société issue de la Révolution, voire l’allégorie d’un ordre nouveau. La physiologie joue un rôle central dans l’édification de cette norme gastronomique, en affirmant la nouvelle centralité de Gaster, et la nécessité de se conformer à ses lois. Étroitement liée à des représentations politiques, elle est un vecteur privilégié de l’idéologie, ce que confirme sa place centrale dans le discours hygiéniste. Présentée tantôt comme une matrice de la pensée, tantôt comme un instrument de régulation sociale, la physiologie de la digestion légitime en particulier un glissement de la norme médicale à la norme morale, et fait de Gaster le pivot symbolique d’un système axiologique au champ d’application très vaste. La deuxième partie se concentre plus spécifiquement sur « l’art culinaire », ses acteurs, ses principes et ses formes. L’importance de l’œuvre de codification initiée par Brillat-Savarin ainsi que la large diffusion du discours gastronomique, en particulier dans la presse, témoignent en effet de l’impact proprement esthétique de la gastronomie, car les normes produites n’ont pas que des conséquences diététiques ou sociales : l’idéologie qu’elles desservent suppose également une réflexion sur la forme destinée à la transmettre. L’entreprise de codification gastronomique se double par conséquent d’un art poétique plus ou moins conscient et élaboré, destiné quoi qu’il en soit à épouser et soutenir le goût de l’époque. Le XIXe siècle n’a pourtant pas, de ce point de vue, la dimension révolutionnaire qu’il peut avoir dans le domaine des pratiques épulaires : le lien entre les mets et les mots, entre l’art de dîner et celui de converser, est une constante qui échappe aux bouleversements de l’Histoire et passe outre les régimes politiques. Si Gaster peut constituer une allégorie du siècle, c’est néanmoins que l’estomac devient une matrice inédite du goût esthétique : inédite parce que résolument physiologique, et non plus simplement métaphorique ; inédite également par l’ampleur qu’acquiert le paradigme de la consommation au cours du siècle. Grimod de la Reynière joue dans cette perspective un rôle charnière : son œuvre à la fois critique et gastronomique assure la transition entre une esthétique du goût fondée sur la métaphore culinaire, et une physiologie du goût esthétique, dont le type du gourmet constitue le promoteur. Mais la consommation a également des implications plus strictement littéraires, en lien avec l’avènement de la presse. L’analogie entre la lecture et l’ingestion est en effet confortée par le développement d’une « littérature industrielle » (Sainte-Beuve) qui reflète la transformation des modalités de production, et témoigne des évolutions de l’horizon d’attente. Cet art culinaire doit donc également être envisagé dans le sens que lui donne Hans Robert Jauss, puisque le paradigme alimentaire permet de traduire, au XIXe siècle, les mutations affectant le champ littéraire, et qu’il irrigue les polémiques qui en découlent, notamment autour du roman feuilleton. Qu’elle soit critique ou feuilletonnesque, la littérature médiatique est donc un vecteur fondamental de l’art culinaire. Sa vocation « panoramique » y est sans doute pour beaucoup. La connaissance transmise repose en effet essentiellement sur la sélection et l’assimilation quotidiennes, de telle sorte que dans la presse, conformément à la formule de Bachelard, « le réel est de prime abord un aliment ». Héritière de l’optique panoramique, la mimesis réaliste lie également de manière étroite les processus de narration et de digestion. L’analogie entre les mets et les mots y est mise au service d’une écriture physiologique à travers laquelle l’homme de lettres ambitionne de « manger son siècle » (Émile Zola) pour le transformer en une œuvre médiatrice de savoirs : zolienne, cette formule excède très largement l’esthétique naturaliste, et permet alors de cerner le principe poétique d’un art culinaire largement partagé. La troisième et dernière partie (« Trophismes littéraires ») s’attache plus précisément au lien que certains auteurs ont établir entre création littéraire et nourriture. L’enjeu est alors de se livrer à l’analyse précise d’une œuvre ou d’un trait stylistique, afin de voir la manière dont une poétique romanesque dialogue avec les champs disciplinaires que croise la « littérature de l’estomac ». La diététique chez Balzac, à travers le curieux « type » que constitue le cousin Pons ; le phénomène anthropologique du cannibalisme chez Flaubert ; l’intertexte gastronomique chez Huysmans ; la symbolique politique de la cuisine du terroir chez Eugène Le Roy. L’enjeu de cette confrontation des discours est de démontrer que la « littérature de l’estomac » peut également s’envisager comme un vaste intertexte dont l’étude d’œuvres emblématiques peut tirer profit.

In his article entitled "Digérer sans le savoir", Juan Rigoli considers digestion to be the "matrix of Bouvard et Pécuchet" ("Digérer sans le savoir", Être et se connaître au XIXe siècle, Texts collected by John E. Jackson, Juan Rigoli et Daniel Sangsue, Genève, Metropolis, 2006, p. 75). To carry on with this thought, the point will be to analyse the founding role of the definitely physiological conception of innutrition in the "comedy of ideas" which Flaubert wishes for (1877-04-02). Indeed, the metaphorical bulimia of the two characters (their unquenchable thirst for knowledge) matches the poetics of rumination perverting the process of scientific popularisation. Then, the "physiology of the Bourgeois" thus elaborated is in line with a (generic) continuity while offering a (poetical) rupture, insofar as the very matter of this "physiology" does not so much concern the "spirit", not even the "body" of the subject described (the Bourgeois), as an encyclopaedic process, the chymification of which probably gives the most accurate image. In this light, Flaubert's work turns into a Physiology of physiologies in which the copyist replaces the anonymous author of 1841, to draw up the cartography of a century gorged with pointless hoarding., Dans son article intitulé " Digérer sans le savoir ", Juan Rigoli fait de la digestion la " figure matricielle de Bouvard et Pécuchet " (" Digérer sans le savoir ", Être et se connaître au XIXe siècle, Textes recueillis par John E. Jackson, Juan Rigoli et Daniel Sangsue, Genève, Metropolis, 2006, p. 75). Dans le prolongement de cette réflexion, il s'agit d'analyser le rôle fondateur de la conception résolument physiologique de l'innutrition dans le " comique d'idées " que Flaubert appelle de ses vœux (2 avril 1877). À la boulimie métaphorique des deux personnages (leur insatiable désir de connaissance) répond en effet une poétique du remâché dévoyant la démarche de vulgarisation scientifique. La " physiologie du Bourgeois " ainsi élaborée s'inscrit alors dans une continuité (générique), tout en proposant une rupture (poétique), dans la mesure où la matière même de cette " physiologie " ne concerne pas tant " l'esprit ", ni même le " corps ", du sujet décrit (le Bourgeois), qu'un processus encyclopédique dont la chymification constitue sans doute l'image la plus juste. L'œuvre-somme de Flaubert prend, dans cette perspective, l'allure d'une Physiologie des physiologies où le copiste remplace l'auteur anonyme de 1841, pour dresser la cartographie d'un siècle replet de thésaurisation vaine.

En prenant pour appui le discours médical traitant des pathologies du langage (écholalie, glossolalie et coprolalie sont trois symptômes du "tiqueur" selon Gilles de la Tourette), cette article s’interroge sur la fonction du tic dans trois romans de Mirbeau ("L'Abbé Jules", "Le Jardin des supplices" et "Le Journal d’une femme de chambre"). Mis au service de la satire, le tiqueur mirbellien est en particulier l'instrument d'un travail de sape du logos, alors même que les romans de Mirbeau peuvent être considérés comme la somme des indignations (d'abord journalistiques) de l'auteur, et qu'ils véhiculent à ce titre des discours apparemment structurés.

En prenant pour cas d’espèce le récit de Lermina publié en 1895, cette étude entend montrer le rôle allégorique joué par le fantôme dans une veine du fantastique proche des Ghost stories anglo-saxonnes, mais s’en éloignant par la prise en considération des découvertes en psychologie expérimentale. Dans ce texte aux références littéraires multiples, l’exercice de réécriture ne se limite en effet pas à la tradition fantastique de l’histoire de fantôme : le « palimpseste » est l’enjeu même d’un texte qui met en scène le fonctionnement de la mémoire, et confronte deux types de réminiscence et deux mémoires concurrentes. Dans cette opposition, la hantise et la revenance jouent un rôle central, et mettent en place un fantastique « d’essence psychique » (C. Mauclair) emblématique de la fin de siècle française.

Au XIXe siècle, les saintes connaissent une nouvelle vie sous la forme du récit de cas : le discours clinique s’empare du martyrologe, dans lequel il voit une collection de symptômes à analyser. Devenue hystérique, la sainte (re)devient, à la fin du siècle, un personnage romanesque, souvent au service d’une rhétorique anticléricale. Le sublime n’en disparaît pas pour autant, que la vie de sainte participe d’un renouvellement formel (dans le cas de la Décadence) ou d’un infléchissement esthétique (dans le cas du naturalisme zolien).

Cet ouvrage porte sur le lien entre « imaginaire clinique » et « fantastique fin-de-siècle ». Il s’agit, notamment à partir de la définition que donne Michel Foucault de la clinique, de relire un certain nombre d’œuvres fantastiques de la fin du siècle (Maupassant, Lorrain, Lermina, Villiers, mais aussi Zola), en interrogeant ce qui permet de les cataloguer comme « fantastiques », dès lors qu’elles utilisent des thèmes et des ressorts relevant de la clinique. L’interrogation qui sous-tend une telle démarche est donc celle de la spécificité de l’optique fantastique par rapport à l’esthétique réaliste, qui puise abondamment dans la clinique pour y trouver une méthode, un objet (la pathologie), et un système d’explication. L’hypothèse avancée est alors que le fantastique fin-de-siècle relève, justement, d’une optique (ce qu’Edmond Picard appelle le « fantastique réel »), mais d’une optique très différente de celle qu’a étudiée Max Milner ("La Fantasmagorie") à propos du fantastique romantique du début du siècle. L’analyse de cette optique dégage ensuite un certain nombre de principes poétiques issus de la clinique, comme le principe de Broussais (la continuité du normal et du pathologique), le principe de Baillarger (la pathologie comme conséquence d’un déséquilibre entre volontaire et involontaire), et le rôle de l’analyse (qui n’est plus un principe herméneutique, comme dans la clinique, mais un principe morbide de déliaison, voire d’aliénation). Le corpus analysé fait dialoguer textes célèbres et moins connus, en relation avec les faits divers et les « cas » ayant défrayé la chronique à la fin du siècle. Il fait également une large place à l’influence d’Edgar Poe, ou plus exactement à sa réception « clinique » par les écrivains de la fin du siècle (son démon de la perversité est perçu comme une « trouvaille cérébrale adéquate à un rapport de médecin légiste »). Chaque partie est construite autour de l’analyse d’un « cas » littéraire emblématique (le « fantastique dans l’étude du vrai » de "La Faustin" d’Edmond de Goncourt ; « l’expérience » cérébrale qui ouvre "Le Grand Dieu Pan" d’Arthur Machen ; le « démon de l’examen » mis en œuvre dans "La Deux fois morte" de Jules Lermina, version fin-de-siècle du « démon de la perversité »).

Publié dans le cadre des mélanges offerts à Jean-Louis Cabanès, cette contribution est un premier état de mes recherches sur le « fantastique clinique » à la fin du XIXe siècle. Il montre, à partir de la définition proposée par Edmond Picard (le « fantastique réel »), que le pathologique remplace le surnaturel, parce qu’il constitue une nouvelle réserve de mirabilia à la fin du XIXe siècle.

En interrogeant le lien entre poétique du descriptif et nosographie, cet article met en avant l’optique particulière que la « naissance de la clinique » (M. Foucault) a permis de faire émerger. Topos du discours médical, le « regard pénétrant » est en effet rapidement repris par une littérature majoritairement romanesque, qui en fait le symbole d’une clairvoyance intransigeante. L’optique clinique renvoie donc en premier lieu à une manière de regarder le réel, et de faire parler ce qui demeurait caché. Elle permet d’articuler le descriptif au narratif, en faisant de la nosographie un moment-clé du récit, voire le lieu où se formule sa « morale ». Mais l’optique clinique véhicule également un « fantasme de lisibilité totale des corps » (J.-L. Cabanès) légitimant, au cœur d’un XIXe siècle matérialiste, une rêverie sur le corps. Transposée dans le domaine littéraire, la nosographie s’émancipe bien souvent de ses présupposés idéologiques, pour donner forme à des motifs esthétiques. Si l’optique clinique peut légitimer une érotisation morbide des corps décrits, elle donne également naissance, en particulier à la fin du siècle, à ce que l’on pourrait appeler un « merveilleux pathologique » dans lequel la description clinique a pour fonction de valider un extraordinaire, tout en consacrant une défaite épistémologique.

Cet article a pour cadre une réflexion sur la constitution des panthéons littéraires et scientifiques. Il montre, à partir de l’exemple de Charcot, que sa constitution en « monument littéraire » ne repose pas sur une méthode (comme dans le cas de Claude Bernard) ou sur une idéologie (celle de la Troisième République laïque et positiviste), mais tient à sa capacité à proposer une iconographie éloquente – celle de la Grande Hystérie. Le cas de Charcot, incarnation la plus aboutie du grand clinicien au XIXe siècle, révèle ainsi une des lois présidant à la constitution d’un panthéon scientifique du point de vue littéraire : le médecin ne tire pas son pouvoir de séduction d’une théorie (une « explication du monde ») mais de sa capacité à donner naissance à de véritables icônes (des « formes »), fussent-elles pathologiques.

Ce volume regroupe les actes d’un séminaire tenu par le CERIEL (Centre d’Études et de Recherche : Idées, Esthétique, Littérature – XIXe et XXe siècles) entre 2005 et 2007 et comporte onze articles en sus de la préface. Les « formes » de l’écriture, soit les métaphores, les allégories, les mythes, mais aussi les structures narratives, diffractent le politique et constituent une pensée politique à part entière. Le mot politique est envisagé dans son double sens : la politique, c'est-à-dire la « cuisine », la vie politique, avec ses hommes politiques, ses activités (élections, débats parlementaires etc.) ; mais aussi le politique, c'est-à-dire « les principes de la loi, du pouvoir et de la communauté » (Jacques Rancière). La question de la « parole politique » ouvre le volume avec l’éloquence « sensible » de Lamartine et la représentation de l’orateur chez Hugo. Plusieurs romans des XIXe et XXe siècles sont privilégiés : "Son Excellence Eugène Rougon", "Les Derniers jours de la classe ouvrière" (d’Aurélie Filipetti), "Les Particules élémentaires" (de Michel Houellebecq) ou "L’Étrange destin de Wangrin" (du malien Amadou Hampâté Bâ). Mais sont aussi étudiés des motifs qui parcourent l’œuvre d’un écrivain, comme la métaphore du « coup de pistolet dans un concert », par quoi Stendhal désigne l’irruption intempestive de la politique dans le roman, ou des configurations culturelles comme l’hystérie sous la IIIe République, forme pathologique mais aussi une figure du militantisme anticlérical républicain. L’étude des discours philosophiques et théoriques de Nietzsche et Rousseau sur la musique et le langage met en lumière la signification politique de leurs conceptions, souvent proches, de l’opéra et de la fête – laquelle inventerait un « peuple futur ». Les « formes » du politique tiennent aussi à certaines postures d’écrivains, faites d’ambiguïté et d’atermoiements, voire de refus de la politique (Drieu la Rochelle, Cendrars) à une époque où se pose nécessairement la question de l’engagement de l’écrivain. Enfin, les littératures postcoloniales montrent comment la langue met en cause le pouvoir colonial afin de fonder une nation propre (Édouard Glissant, Patrick Chamoiseau).

Cet article s’intéresse à la mise en texte des théories magnétiques, à partir de trois œuvres de Balzac, Gautier et Villiers. L’enjeu est de montrer que ces récits, qui semblent faire la part belle aux exposés théoriques, proposent en réalité une véritable mise en fiction des savoirs qu’ils exhibent. Par des procédés proprement littéraires (la spécularité, l’intertextualité, l’ironie), ces récits magnétiques mettent en place un savoir des correspondances proprement littéraire, lui-même alternatif, à l’image du magnétisme, mais en dépit de son armature théorique.

Article réalisé dans le cadre d’un numéro des "Cahiers" sur les romans d’Edmond de Goncourt. Il vise à montrer que le « fantastique dans l’étude du vrai », expression utilisée par l’auteur, est la voie qu’il choisit pour tenter de reproduire « l’événement » que la publication de "Germinie Lacerteux" avait pu provoquer, mais selon une esthétique radicalement différente.

En réfléchissant sur la genèse de la célèbre expression par laquelle le narrateur du "Horla" se qualifie (« halluciné raisonnant »), cette étude explore le lien entre discours littéraire de l’hallucination et discours scientifique sur l’hallucination. L’impossible posture narrative de l’« halluciné raisonnant » gouverne et informe en effet de nombreux récits fantastiques du XIXe siècle. Sa logique paradoxale (je raisonne et je délire) ne peut néanmoins se réduire à la fameuse « hésitation » formulée par Todorov : elle structure un discours du fantastique qui ne se cantonne pas à la recherche d’un « effet » (l’hésitation, la peur, etc.), mais tente de proposer une réponse à l’hégémonie grandissante d’un discours scientifique pour lequel l’hallucination constitue la voie d’accès pathologique aux productions de la psyché.

À partir d’une analyse des "Démoniaques dans l’art" de Charcot et Richer, cet article montre que la référence à Rubens ne traduit pas, chez Charcot, qu’une admiration esthétique : elle est au cœur de la construction du type pathologique de la Grande Hystérie, type clinique auquel cette référence esthétique confère paradoxalement une légitimité.

Cet article suit les métamorphoses possibles, dans les nouvelles fantastiques de Maupassant, du portrait de Charcot en « conteur d’Edgar Poe, qui fini[t] par devenir fou à force de réfléchir à d’étranges cas de folie » ("Magnétisme"), pour montrer le rôle joué par le spectacle de la Salpêtrière dans l’élaboration du fantastique maupassantien.

En choisissant d’accoler une étiquette esthétique à sa négation, cet article n’entend pas mettre au jour l’inscription de Mirbeau dans le « style 1900 », mais cerner, à travers deux œuvres encadrant une date symbolique, le jeu de Mirbeau avec ce qu’il est convenu d’appeler des attentes de lecture. Partant de ce constat simple que "Le Jardin des supplices" et "Les 21 jours d’un neurasthénique" ne sont pas, à proprement parler, des œuvres inédites, il s’agit en particulier de se demander comment la virulence polémique de morceaux épars a pu s’incarner dans une nouvelle forme ne reposant pas sur l’invention d’arguments nouveaux, mais sur une disposition ruinant à l’inverse l’efficacité argumentaire de ses composantes. Dans ces deux œuvres, la démonstration romanesque, devenue problématique, attaque la capacité du langage à véhiculer un sens par le biais d’une collection de discours saturant de sens la réalité reconstruite au sein de l’œuvre, et faisant de la palinodie la forme même d’une énonciation polémique.

En prenant pour point de départ le texte de Charles Richet faisant d’Emma Bovary « la plus vraie » des hystériques, cet article analyse les transpositions fin-de-siècle du roman de Flaubert, et met en lumière les déplacements opérés : l’enjeu, à travers la condamnation des dangers de la lecture, est désormais de valider une doxa médicale et moralisatrice faisant du médecin le garant de l’exemplarité du récit raconté.

Issu de mon mémoire de D.E.A., cet article montre comment les deux romans de Mirbeau jouent avec les attentes et les représentations liées à l’hystérie, pour en faire l’instrument d’une remise en cause de la doxa.

Issu de mon mémoire de D.E.A., cet article met en perspective les deux chroniques que Mirbeau a consacrées à Charcot et à la Salpêtrière, sous le pseudonyme du « Diable ». Son but est de mettre en lumière l’aura fantasmatique entourant le « maître » de la Salpêtrière.; C’est Rembrandt qu’il faudrait pour reproduire dignement cette scène étonnante: Charcot dans le grand amphithéâtre de la Salpêtrière. La leçon d’hystérie, quel pendant à l’immortelle Leçon d’anatomie! C’est Rembrandt seul qui pourrait retracer les jeux de lumière et d’ombre qui transforment la physionomie des auditeurs avides, rendent leurs yeux plus brillants, et font paraître plus étranges encore les étranges sujets sur lesquels opère le maître. Le peintre qui oserait s’attaquer à cette œuvre et pourrait s’élever à la hauteur de son modèle, celui-là aurait fait le tableau du siècle.Ce siècle sera le siècle des maladies nerveuses, à un double point de vue: d’abord parce qu’elles auront été maîtresses et causes de tous ses actes; ensuite parce qu’il aura étudié à fond et connu les secrets de son mal. C’est pourquoi il ne sera peut-être ni le siècle de Victor Hugo, ni le siècle de Napoléon, mais le siècle de Charcot

Auteur prolifique, Dubut de Laforest (1853-1902) voue un véritable culte à la science et à ses représentants. Sa Pathologie sociale, qui recueille des écrits antérieurs, est ainsi précédée d’une longue introduction qui présente ses « romans et études » (dont « Le docteur Dumas et le romancier Charcot ») comme un document de physiologie humaine participant aux efforts de la science. Les références sont multiples et éclectiques : le philosophe sensualiste Étienne Bonnot de Condillac (1715-1780)...

Représentant du romantisme frénétique, Pétrus Borel (1809- 1859) dit « le lycanthrope », se livre ici à un portrait fantaisiste du grand anatomiste de la Renaissance André Vésale (1514-1564), qui a révolutionné la médecine de son temps par la pratique minutieuse de la dissection. Présenté dans ce « conte immoral » comme un personnage impuissant et jaloux, Vésale assassine et dissèque les amants de sa jeune épouse avant de la disséquer elle-même. – Je sais, Maria, que je suis vieux, et quand o...