International audience; Cette contribution propose quelques observations et analyses sur la multiactivité dans le cas d’une situation d’apprentissage en ligne asynchrone. Elle s’inscrit, plus généralement, dans un intérêt pour les apprentissages informels, ou tout au moins, pour toutes les activités non considérées lors de la conception de parcours pédagogiques. La multiactivité est entendue comme « l’insertion et démarrage d’une activité autre que l’activité en cours » (Mondada, 2006 : 19). Dans des contextes « technologiquement denses » (Bruni & Gherardi 2007), si elle est considérée, par certains comme source de dispersion, elle est de plus en plus vue, en étant apparentée au multitasking, comme une nouvelle obligation pour les travailleurs (et donc, il nous semble, pour les apprenants) d’un « « méta-travail » de gestion de leur disponibilité et de leur engagement » (Bidet, 2011 : 5). Du point de vue analytique, interroger la multiactivité dans des situations d’apprentissage en ligne implique d’analyser les interactions multimodales en prenant en compte un certain nombre de ressources (gestes, regards, environnements) (Mondada, 2008; Norris, 2004; Kress, 2001). Par ailleurs, le statut « frozen » (Norris, 2004) des artefacts doit pouvoir être re-questionné en prenant compte dans le cours d’action les modalités d’interaction des appre-nants engagés dans la situation avec l’artefact porteur du contenu pédagogique (Filliettaz, 2010) ainsi que ses implications sur l’apprentissage en cours, et donc sa dimension instru-mentale (Rabardel, 1995). L’objectif de cette contribution est double : •Rendre compte d’une analyse détaillée d’une pratique d’apprentissage instrumentée in situ en considérant ses dimensions multimodales, situées et instrumentales et relatives aux activités pédagogiques en cours ;•S’intéresser plus particulièrement aux cours d’action et à la manière dont ces derniers se coordonnent, notamment par le biais des plans de la « machine », en fonction des méthodes mises en oeuvres par les participants (Mondada, 2006).L’analyse s’appuie sur un corpus recueilli dans le cadre d’un travail doctoral portant sur la conception et l’usage d’un module d’apprentissage du latin. Le corpus a été constitué à la suite d’une ethnographie multi-située (Marcus, 1995) permettant la saisie de la complexité d’une activité sociale située et la prise en compte de la multimodalité qui la constitue (Flewitt, 2011) sur des espaces et temporalités fragmentés entre conception de la ressource et ap-prentissage situé. Le corpus est composé de deux observations, l’observation participante de la conception du module (notes ethnographiques) et l’observation instrumentée (enregistre-ments audio-visuels) ainsi que de la transcription des données receuillies lors du test d’usage. L’objectif du test d’usage a été de reconstituer dans la mesure du possible l’usage du module dans le contexte principal pour lequel il a été conçu (remise à niveau personnelle) . Dans cet objectif, nous avons contacté deux apprenants qui ont étudié le latin il y a quelques années et qui nous avait exprimé leur envie de reprendre cet apprentissage. Nous leur avons demandé de suivre une partie du module et d’en faire les exercices automatisés. La mise en collaboration de ces deux apprenants (et non d’un seul) face au cours en ligne s’est faite non pas pour rendre compte de la collaboration mais pour favoriser la verbalisation des difficultés face à la machine (Suchman, 1987). En effet, la collaboration permet qu’un apprenant rende disponible à l’autre ce qu’il pense des actions qu’il est en train d’accomplir et aux chercheurs le sens des actions que les apprenants sont en train de se réaliser dans une perspective située. Du point de vue de la transcription, enfin, cette dernière a été réalisée en plusieurs colonnes permettant la saisie des interactions, d’annotations multimodales mais également, en suivant le modèle de Suchman (1987), d’une partie des plans de conception dans le module auxquels nous avons accès de par notre observation participative.Nos analyses de l’imbrication de différents cours d’action, des interactions entre l’apprenant et les plans « proposés par la machine » et enfin des détournements du scénario non prévus par les concepteurs nous ont amenés à rendre compte de modalités d’orchestrations multimo-dales des significations pédagogiques réalisées par les participants dans la situation observée ( Kress et. al, 2001), autrement dit, des différents modes communicatifs proposées par les concepteurs et les modes communicatifs négociés de manière asynchrone par les participants. D’autre part, la virtualité des outils numériques et leur actualisation en situation nous ont amené à rendre compte d’orchestrations instrumentales (Trouche, 2004), autrement dit des détournements, modifications et catachrèses (Rabardel, 1995) des scénarios pédagogiques.En conclusion, nous proposons de revenir sur les biais induits par la présence de la caméra et les modalités du test d’usage (réalisé en contexte universitaire) sur les activités réalisés par les apprenants. RéférencesBidet, A. (2011). La multi-activité, ou le travail est-il encore une expérience?. Communica-tions, (2), 9-26.Bruni, A., & Gherardi, S. (2007). Studiare le pratiche lavorative. icon, 39(051), 256011.Filliettaz, L. (2010). Production des objets et construction des compétences professionnelles en formation initiale: une approche interactionnelle.Flewitt, R. (2011). Bringing ethnography to a multimodal investigation of early literacy in a digital age. Qualitative Research, 11(3), 293-310.Grosjean, S. (2012). Ces objets qui peuplent nos interactions: Des objets présents/absents, animés/inertes, créés/transformés. Résumé, 133, 145. Kress, G. (Ed.). (2001). Multimodal teaching and learning: The rhetorics of the science class-room. Bloomsbury Publishing.Marcus, G. (1995). Ethnography in/of the world system: the emergence of multi-sited ethnog-raphy. Annual Review of Anthropology, 24(1995), pp. 95–117. Mondada, L. (2006). Multiactivité, multimodalité et séquentialité: l'initiation de cours d'action parallèles en contexte scolaire. Interactions verbales, didactiques et apprentissage, 45-72.Mondada L. (2008). Production du savoir et interactions multimodales. Revue d’anthropologie des connaissances, 2. Norris, S. (2004). Analyzing multimodal interaction: A methodological framework. Routledge.Rabardel, P. (1995). Les hommes et les technologies : approche cognitive des instruments contemporains. (239 p.). Paris: Armand Colin.Rabardel, P. (1999). Eléments pour une approche instrumentale en didactique des mathéma-tiques. Actes de l'école d'été de didactique des mathématiques, 203-213.Suchman, L. A. (1987). Plans and Situated Actions: The Problem of Human-Machine Com-munication. American Anthropologist. Cambridge University Press. Trouche, L. (2004). Environnements Informatisés et Mathématiques: quels usages pour quels apprentissages? Educational Studies in Mathematics, 55(1-3), pp.181–197.