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eloquio non Latiis minor, Non Graiis (Jean Du Bellay) Latine loqui pene solus in Latio viderere (Rabelais) Nous ne sommes rien moins qu’eux (Joachim Du Bellay). Revendication gallicane de la translatio studii, cette ambition de rivaliser avec les Anciens, que partagent le cardinal Du Bellay et ses deux protégés, passe par une maîtrise du logos qui caractérisa, à en croire ses contemporains, ce prélat, conseiller du roi et homme de culture. Le 13 octobre 1533, ...

Témoins perspicaces de leur temps – du nôtre –, les dramaturges contemporains – Heiner Müller, Tadeusz Kantor, plus tard Rodrigo García… – annoncent la fin d’une époque marquée par la prééminence de la culture européenne ainsi que celle d’une certaine idée de l’art chargé de représenter le Beau ou pire d’embellir le monde. Délaissant peu à peu la critique des régimes totalitaires, de leurs abus et de leurs violences, leurs œuvres révèlent aussi la fin des idéologies et surtout l’émergence d’u...

Le pouvoir comme incarnation, comme institution ou comme système, peut évidemment se manifester dans des écrits. Mais y a-t-il vraiment un pouvoir de l’écriture ? À supposer que le pouvoir s’exerce au moyen du langage, quelles sont les conditions de cet exercice ? Dans ce court article, nous voudrions faire porter la réflexion sur les éventualités d’un tel pouvoir pour monter qu’il tient à son oralité originaire. Pour y parvenir nous procèderons en trois temps : d’abord une brève réflexion su...

Avec son goût bien connu du paradoxe, Ionesco aimait se définir comme « un anarchiste de droite ». L’anarchiste refuse toute forme de pouvoir reposant sur l’autorité. Or, chez Ionesco, ce refus prend sa source dans son enfance, dans le traumatisme qu’il subit un jour en voyant son père brutaliser sa mère, souvenir qu’il relate plusieurs fois dans ses écrits autobiographiques et qui constitue un schème structurant de sa personnalité, la racine profonde de la contestation, présente dans toute s...

Avant d’aborder la question précise de la fonction politique et esthétique des dédicaces à Tibère et à ses amis dans l’œuvre d’Horace, je ferai quelques remarques sur la mention de personnalités contemporaines dans les œuvres des poètes latins augustéens : tous se sont livrés à cette pratique à des degrés divers : cinq nominations chez l’élégiaque Tibulle, vingt chez son rival Properce ; les minces fragments de l’élégiaque Cornelius Gallus laissent entrevoir les noms de personnages aussi dive...

Dans nos temps modernes, l’écriture se présente comme l’expression graphique du langage, procédé dont on se sert pour fixer le langage parlé. Réduite, dans la plupart des cas, à l’outil servant à coder les sons du langage, elle est privée de son caractère transcendant qu’elle avait jadis dans nombre de cultures anciennes, dans lesquelles elle était considérée non pas comme le substitut de la parole humaine, mais comme la matérialisation du Verbe et le signe de l’activité divine. Cela est visi...

Chroniqueur paradoxal et intarissable du « rien de tout », Saint-Simon trouve parfois des accents presque de chaire pour dénoncer la vanité et le néant du pouvoir mondain. La quête effrénée des signes de la puissance, la course avide aux « chapeaux », aux « bâtons », aux « tabourets » et autres « sièges rembourrés », objets d’une dérision constante au fil de la narration malgré l’importance extrême attachée par le mémorialiste à ce « pas de plus ou de moins » qui est ce qu’il y a « de plus ch...

Sans doute, les rapports de Molière avec le pouvoir royal suivent-ils la loi commune de l’absolutisme intellectuel qui s’exerça sous Louis XIV : le mécénat royal entendait mettre les écrivains au service du pouvoir, de la gloire du monarque, de la grandeur de la monarchie et du royaume. Amateur de théâtre, avide de fêtes et de divertissements, Louis XIV fit déjà jouer à Molière un rôle particulier ; mais Molière fut davantage que le simple fournisseur – fût-il le principal – de spectacles com...

On sait que les Mémoires de guerre du général de Gaulle ont ceci de paradoxal qu’ils sont aujourd’hui considérés comme le principal récit français de la Seconde Guerre mondiale alors même que leur auteur s’est tenu hors de France (mais pas tout à fait hors du territoire national) de juin 1940 à juin 1944. Témoin légitime de la guerre sans jamais en avoir été l’observateur direct, du moins en ce qui concerne l’occupation elle-même, de Gaulle parvient à compenser son éloignement géographique pa...

En 1609, Pierre de Lancre (1553-1631), conseiller au parlement de Bordeaux, fut envoyé par Henri IV dans la province basque du Labourd pour y enquêter sur des témoignages de sorcellerie qui semblaient se multiplier. En compagnie de son collègue le président Jean d’Espagnet, il interrogea et fit exécuter de manière expéditive plusieurs dizaines de sorciers et sorcières. Depuis les travaux pionniers de Robert Mandrou, les historiens ont étudié comment la démonologie s’est constituée par une sin...

L’image royale, principalement celle de Charles VIII (1483-1498) et de Louis XII (1498-1515), a bénéficié ces dernières décennies d’un intérêt constant. Dans le contexte des guerres qu’ils menèrent dans le royaume et au-delà de ses frontières, ces deux rois ont été assimilés par leurs contemporains à des conquérants de l’Antiquité ou à de preux chevaliers. Au cours de leurs règnes, l’image du rex litteratus a cédé le pas à celle du rex bellator, promoteur d’une guerre décrite comme juste. Cet...

Stendhal et le pouvoir. C’est un sujet qui a été maintes fois abordé, toujours cependant – fût-ce par la seule étude de ses œuvres –, en se demandant comment l’individu Stendhal s’est situé par rapport à la vie politique de son temps. Or, on sait, depuis Freud, que jamais la personnalité d’un homme n’est unifiée, qu’une partie en demeure ignorée de lui, à des degrés variables. Et depuis Proust, on n’ignore plus que des moi différents se succèdent en lui au cours d’une même vie, alors que tout...

La figure littéraire de l’empereur romain conjugue le personnage symbolique du roi et le contexte d’une Antiquité latine plus ou moins tardive. Comme le roi, l’empereur incarne le degré superlatif de l’humanité, pour le meilleur et pour le pire, mais il se charge de connotations équivoques. D’une part c’est un roi magnifié par son antiquité et par l’immensité de son territoire ; d’autre part, Suétone plus encore que Tacite avait révélé ses libidines, faiblesses et turpitudes dissimulées par l...

La Mothe Le Vayer a publié en 1640 un ouvrage intitulé De l’Instruction de Monseigneur le Dauphin, dans lequel il a esquissé les grandes lignes de l’éducation qu’il considérait appropriée à l’héritier du royaume. Responsable de la formation du frère cadet du tout jeune roi, à partir de 1649 et attaché comme précepteur à la personne du roi en 1652, il a fait paraître de 1651 à 1658 des ouvrages globalement appelés Sciences dont la connoissance peut devenir utile à un Prince. À l’origine des le...

Dans la réflexion de fond sur les relations entre l’art et la réalité, la question des écritures du pouvoir se situe à un point de croisement fécond. Le pouvoir représente d’abord, dans ce champ de la recherche, le pouvoir politique : la direction des États, la puissance du commandement, la force de domination… C’est le sens que retient le présent volume, même si quelques rares échappées ont été esquissées vers d’autres dimensions du « pouvoir ». La notion d’« écriture », diverse, demandera i...

Sous ce titre qui n’annonce aucune révélation d’ordre historique ou politique, nous nous intéresserons en fait aux réflexions de Malraux sur les pouvoirs de la littérature, dans un contexte qui, dans l’entre-deux-guerres, fut celui de « l’adieu à la littérature », pour reprendre ici le titre d’un ouvrage récent. Comme beaucoup d’autres écrivains de son siècle, marqués par l’aventure rimbaldienne, Malraux s’interroge sur le rapport entre le discours « autonomisé » de la littérature et les disco...

Il faut d’abord, afin de poser le cadre d’un questionnement, rappeler quelques préalables concernant Versailles et la célébration royale louis-quatorzienne. Et tout d’abord, rappeler le lien étroit qu’entretient le chantier versaillais avec la stratégie politique de Louis XIV. François Bluche, dans Le Journal secret de Louis XIV, qu’il se plaît à imaginer, condense, à la date du 31 décembre 1663, les pensées qui, selon toute vraisemblance, auraient pu être celles du roi dans les débuts du cha...

L’Héroïsation d’une figure historique Figure « héroïque » d’un roi d’Uruk, célèbre Cité-État de la Mésopotamie Antique, Gilga.mesh serait, si l’on en croit la Liste sumérienne des rois, le cinquième souverain de la première Dynastie après le Déluge, dynastie succédant de peu à la dernière dynastie de Kish, Cité-État d’Akkad, un peu plus au Nord. Or il se trouve que nous sommes en possession d’une « inscription royale » figurant sur un vase d’albâtre, évoquant la figure de Mebaragesi, avant-de...

Notre communication a pour objet la Chronique de Jean II de Castille (1407- 1454). Nous avons choisi de nous intéresser à la chronique royale rédigée par Álvar Garcia de Santa Maria, sur le règne de Jean II de Castille car cette chronique présente un double intérêt. Dans un premier temps, rappelons que la chronique est par essence un instrument de pouvoir laissé généralement aux mains des plus proches collaborateurs du roi. Elle offre ensuite l’avantage d’exprimer généralement les positions d...

Lorsqu’on pense à Sartre, quelques images viennent aussitôt à l’esprit : celles du militant solidaire du FLN, de l’écrivain reconnu refusant le Prix Nobel, ou du gauchiste haranguant le peuple du haut de son tonneau et distribuant La Cause du Peuple pour essayer – sans succès – de se faire arrêter par la police du Général de Gaulle. Ces clichés, si réducteurs soient-ils, ont au moins le mérite d’attirer l’attention sur un problème essentiel : la relation complexe, et parfois ambivalente, d’un...

Certes Martial ne tient pas de discours théorique sur le pouvoir, et, quand il s’adresse aux empereurs, il poursuit toujours son propre intérêt, qui consiste en l’occurrence à chercher à obtenir leur soutien matériel. Cependant, à travers ses épigrammes à ou sur Titus, Domitien, Nerva et Trajan, qui toutes ressortissent au panégyrique, se dessinent une image et une conception du pouvoir qu’on va essayer de préciser. On mettra ensuite ces éléments en relation avec les théories politiques que d...

Au cœur de la « Révolution tranquille », période euphorique de la transformation socioculturelle québécoise, Hubert Aquin, une voix intellectuelle qui compte dans le Montréal des années soixante, s’approprie furieusement la problématique identitaire en optant pour une stratégie discursive offensive qui vise à une reprise en main du pouvoir politique, culturel et linguistique. L’anglophonie, dénonce-t-il avec les plus ardents de ses pairs tels le poète indépendantiste Gaston Miron, fait plus q...

À la fin du XIVe siècle, Tamerlan (1336-1405) fait son apparition sur la scène politique « internationale ». Son nom occidentalisé, dérivé de son surnom turc, Tîmûr Leng, c’est-à-dire « l’homme de fer boiteux », devint synonyme de guerre, conquêtes, ravages en tout genre. De l’Anatolie à Herat en passant par Baghdâd, une nouvelle dynastie s’installe dans le monde oriental supplantant les descendants de Gengis Khân, affrontant Ottoman et Mamelouks, défiant l’Inde du nord et la Chine. Après l’é...

Le roi Stanislas ne hante plus nos bibliothèques mais son nom est resté attaché à notre patrimoine architectural : les traces qu’il a laissées en Lorraine sont à compter parmi les plus belles réalisations du dix-huitième siècle, bien que la monarchie française se soit empressée de détruire la plus grande partie des constructions ordonnées par cet atypique souverain qui avait passé commande à l’architecte Emmanuel Héré de tout un programme d’embellissement de la ville de Nancy. La Place Royale...

International audience; Il ne paraît pas possible méthodologiquement de garantir la validité de telle ou telle allusion (négative comme positive) à Trajan que les chercheurs modernes ont cru ponctuellement reconnaître chez Tacite. L’étude de son idéologie le montre par ailleurs porté davantage à une collaboration constructive avec les princes qu’à une désaffection envers une vie publique dont ils sont le pivot. Dans le même sens, la continuation de son activité littéraire durant le règne de Trajan apparaît comme un argument solide en faveur de l’idée qu’il n’aurait jamais retiré à celui-ci la confiance qu’il lui accordait au début du premier de ses opuscules, l’Agricola.

Dans la réflexion sur les relations entre l’art et la réalité, la question des écritures du pouvoir se situe à un point de croisement fécond. C’est du pouvoir politique qu’il s’agit principalement dans ce volume, dans l’appréciation des œuvres qu’il suscite. Apparaissent des hommes qui exercent le pouvoir et qui prennent la plume, décrivent leur situation, leur condition, leurs fonctions. Certains sont des créateurs avant d’avoir eu une situation politique. Quelle relation leur œuvre entretient-elle avec leur action ? Viennent aussi et surtout les hommes de l’art qui s’intéressent au pouvoir. Comment représentent-ils cette position dominante de personnages de premier plan, voire de personnages collectifs, de groupes au pouvoir ou de masses ? Comment la création rend-elle compte, non pas seulement de la figure du grand homme, mais de la forme du pouvoir, de la configuration de son exercice ? Quelle est la nature de l’engagement de l’artiste, si tant est que l’écriture en suppose un ? D’une position à l’autre, de celle de l’homme politique à celle de l’artiste, et inversement, se révèlent en effet des interactions, s’illustrent des fonctions particulières de la littérature et des arts, des corollaires nécessaires à l’exercice du pouvoir ou une part même de cet exercice. Pour approcher de ces interférences, le champ d’investigation qu’adopte ce volume est large, de l’Antiquité à l’époque contemporaine, sans limitation géographique, avec un croisement des approches disciplinaires, ce qui permet de relativiser, de percevoir des continuités sur la longue durée, d’établir de fécondes comparaisons. Le fil qui est suivi est celui qui transversalement infléchit une certaine idée du pouvoir. D’abord, les visions et les positions euphorisées, idéalisation du prince dans le conseil ou dans son éducation, célébrations du pouvoir, pour atteindre à ces situations stables ou moins stables de l’écriture dans l’exercice du pouvoir. Puis, les visions contrastées ou même ambiguës du pouvoir, et, plus appuyées, les critiques et les contestations, avant que n’arrive l’oscillation ou le choix clair entre l’emprise et la déprise. De là, enfin, des contre-pouvoirs ou d’autres pouvoirs peuvent surgir sur des horizons de fuite.

En 2005, Claude Chabrol réalise une fiction, L’Ivresse du pouvoir, clairement inspirée de l’affaire Elf, de son instruction par le juge Eva Joly et de l’ouvrage Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre ? qu’elle a publié en 2003. Ce document, qu’elle a co-écrit avec Laurent Beccaria, vise à révéler au grand public la corruption généralisée du monde des affaires, sa collusion avec les politiques et les entraves que connaissent les représentants de la justice, surveillés, régulièrement in...