Le « motif spectatoriel » est récurrent dans la correspondance de cette épistolière graphomane que fut Élisabeth-Charlotte de Bavière, princesse palatine et duchesse d’Orléans. Au-delà de sa fréquentation compulsive des théâtres et de l’éclectisme de son répertoire favori, les lettres que nous avons conservées rendent compte de ses pratiques et de ses réactions de spectatrice sur cinq décennies, constituant pour l’historien de la culture d’Ancien Régime une source sans équivalent. Cet article se propose d’identifier ce qui fait pour La Palatine l’intérêt du théâtre, en tant qu’il est à la fois une activité sociale, un objet de discours et une source de plaisir sensible. Même si elle ne formalise jamais de préceptes critiques, il est possible de repérer certaines tendances. Ses préférences dramatiques révèlent un goût composite, qui combine les principes aristotéliciens à la valorisation galante de l’agrément. Foncièrement incarnée, son expérience du théâtre tend à effacer les critères premiers du bon goût comme distinction sociale et des règles poétiques comme savoir légitimant, pour placer au premier plan l’émoi subjectif qui touche le « cœur » de l’amatrice pendant la séance. Le statut singulier de Madame à la Cour nous invite à interroger la pertinence du cas particulier pour dégager les traits paradigmatiques d’une réception féminine à une époque donnée. Comment faire la part, dans le témoignage de la spectatrice, de ce qui relève d’un habitus socio-genré, d’une individualité idiosyncratique, de la rhétorique épistolaire et des trous de l’archive ? The “spectatorial motif” is a recurrent one in the voluminous correspondence of Elisabeth Charlotte von der Pfalz, Princess Palatine and Duchess of Orléans. In addition to revealing her compulsive passion for theater and the eclecticism of her favorite repertoire, her letters provide a multilayered account of her practices and reactions as a woman theatergoer over five decades, which make them an unparalleled source for the historian of early modern French culture. This article investigates what makes theater interesting for Elisabeth Charlotte, at once as a social activity, an object of discourse, and a source of emotional pleasure. Even though she never formulates theoretical positions, it is nevertheless possible to identify certain tendencies in her theatrical preferences. Her evaluative judgements proceed from a composite taste, which combines Aristotelian precepts with the gallant aesthetics of sensibility. By describing attending the theater as an embodied experience, she tends to underplay the criteria of good taste as social distinction and of poetic rules as worthy knowledge, emphasizing instead the critical value of the subjective emotions of the female amateur’s “heart”. Madame’s particular position at the French court invites us to interrogate the use of a specific case study to identify the paradigmatic features of female spectatorship at a given time. In her accounts, how to differentiate between what is enshrined in a social and gendered habitus, what results from her idiosyncratic personality, what is part of her epistolary rhetorics, and what may be explained by the lacunae in her preserved correspondence?