Très au-delà de cette région du Nord dont il est l’écrivain emblématique, les romans de Maxence Van der Meersch ont été les livres-cultes de toute une génération dans l’entre-deux-guerres : La Maison dans la dune (1932), L’Empreinte du dieu (Prix Concourt 1936), Corps et Âmes (1943) connurent une fulgurante popularité – au meilleur sens du mot – avant une éclipse tout aussi soudaine. Mais, au-delà des légendes, des mineurs, des cabales et des controverses – au-delà des silences, surtout – qui entourent sa personne et son œuvre, Van der Meersch reste aujourd’hui encore très largement une énigme. C’est dans le secret de cet homme et de cette œuvre que nous emmène l’essai de Térèse Bonte, qui a partagé l’intimité familiale de l’écrivain et retrace ici, de façon enfin sûre, complète et précise, l’itinéraire biographique mais aussi intellectuel et spirituel de Van der Meersch, ainsi que la genèse de ses œuvres, de La Fille pauvre à La Petite Sainte Thérèse. De l’évocation du bébé Max à celle de l’écolier Vander, de l’étudiant au visage tout droit sorti d’un tableau de Vélasquez à l’amoureux de vingt ans, de l’avocat fragilisé par sa propre véhémence à l’agonisant dans le secret des dunes, une figure beaucoup plus complexe surgit alors, grave et ardente, entière et nuancée à la fois, à l’image de cette œuvre qu’on a trop vite démodée en la réduisant à sa charge « moraliste », à sa vision « manichéenne », ou en la reléguant au magasin de curiosités régionales, rayon « folklore et traditions du Nord »... Savoureusement reconstitués grâce à une enquête alimentée par des documents et témoignages de première main auxquels l’auteur a eu un accès privilégié, mais aussi par les souvenirs personnels puisés dans la saga familiale, c’est toute une époque, toute une histoire et tout un pays que fait revivre Térèse Bonte. À travers les évocations pittoresques ou pathétiques des scènes, des ambiances, des décors, des personnages et des épisodes les plus marquants de la vie et de l’œuvre de Maxence Van der Meersch, voici d’abord le Roubaix d’Invasion 14 ou de Quand les sirènes se taisent, avec ses cafés-concerts et ses luttes sociales, sa misère et sa liesse. Et Dunkerque la frontalière, et Anvers l’opulente, et Bruges la vive de La Maison dans la dune, de Maria fille de Flandre ou de L’Empreinte du dieu – et tant d’autres décors, de Flandre ou d’Artois, amoureusement arpentés par Van der Meersch. Mais c’est surtout un magnifique portrait que l’on va trouver dans cet ouvrage : celui d’un homme et d’un écrivain animé par la plus liante exigence et la plus parfaite intégrité dans ses convictions, dans ses passions, dans ses combats, dans son art – dans son destin incandescent ici retracé au plus près.