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Lumières et Révolutions, « vies fragiles », doctrines et pratiques du droit de punir, vérité du corps et de l’âme : autour de quatre champs principaux qui jalonnent l’œuvre imposante de Michel Porret, ce livre rend hommage à l’historien du droit de punir, des représentations, des cultures politiques et juridiques de la modernité. Grand historien de la vie sociale, Michel Porret restitue avec la même exigence de méthode les existences anonymes dans toute leur dignité en même temps qu’il dialogue avec les voix majeures qui ont contribué, entre le temps des Lumières et celui du positivisme scientifique, à penser la condition humaine. Les contributions réunies ici prolongent et développent cette entreprise intellectuelle féconde où histoire et responsabilité morale marchent de concert, entre enseignement universitaire, recherche scientifique et vie de la cité.

Le 8 mars 1670, quelques semaines après le grand incendie qui ravage le pont sur le Rhône causant la mort de plus de 120 personnes et la destruction d’un quartier d’habitations au centre de Genève, Augustin Barlie périt sur l’échafaud. Qui est cet homme et quel est son rôle dans le déroulement de la catastrophe incendiaire dont l’écho tragique résonne à l’échelle européenne ? Contrairement au récit officiel du « grand embrasement » qui a délibérément escamoté sa mémoire et son destin malheureux, la biographie coupable de Barlie est restituée ici au plus près des archives judiciaires. L’histoire et la mémoire du grand incendie de 1670, s'est construite sur l’oubli délibéré d’une exécution publique qui en traduit pourtant les angoisses individuelles et collectives. Dans ce volume en hommage aux travaux de Michel Porret, cet article s'inscrit dans son sillage pour documenter, parmi d'autres, une vie fragile dont le destin éclaire les normes et les sensibilités de son époque.

En 1758, le jeune astronome Jérôme Lalande engage une correspondance régulière avec le savant genevois Charles Bonnet, puis avec d'autres hommes de science de Genève, tels que Jacques André Mallet, Georges Le Sage et Pierre Prevost. Durant plus de quatre décennies, ces échanges épistolaires (près de cent lettres retrouvées et éditées) documentent le petit monde de la science au temps des Lumières,l'ascension professionnelle de chacun et l'essor d'une discipline, l'astronomie, dans un contexte politique et social en pleine effervescence. L'introduction à ce cinquième volume de Lalandiana contextualise les enjeux sous-jacents, souvent évoqués à demi-mot ou de manière allusive, de la correspondance entre le célèbre astronome parisien et ses amis genevois, notamment à propos de Rousseau ou des vives tensions politiques vécues dans la petite République protestante.

Dans la géographie romanesque de Frankenstein, scrupuleusement indexée sur la carte réelle du monde, l'évocation de Genève dépasse de très loin toutes les autres coordonnées spatiales qui constellent le roman d'épouvante. Il ne s'agit donc pas d'un simple « décor ». L'histoire du Prométhée moderne est aimantée par cette localité vers laquelle converge ou autour de laquelle gravite une série d'épisodes dramatiques, jusqu'à la scène finale centrifuge qui projette le héros et le monstre aux confins du monde connu, dans les montagnes de glace du pôle Nord. L'examen systématique des références à Genève montre que la romancière utilise un toponyme qui connote une entité politique réelle, mais dont les traits et les caractéristiques de république urbaine résultent pour l'essentiel d'une construction littéraire empruntée à Jean-Jacques Rousseau : entre tourisme littéraire et réflexion politique, Mary Shelley propose une lecture attentive et critique du républicanisme rousseauiste. Comme les « monstres », les régimes politiques sont bons ou mauvais pour ce qu'ils font, et non pour ce qu'ils sont en apparence.

La police n'est pas un thème évident dans l'œuvre de Beccaria qui utilise le terme avec parcimonie et dans un sens qui évolue. Trois époques se distinguent qui recoupent autant de manières d'envisager la police à la fin du XVIIIe siècle en Europe: c'est d'abord une magistrature urbaine, une juridiction chargée des délits mineurs; c'est ensuite, dans la tradition germanique, l'une des "sciences camérales" au service de l'économie publique et de la richesse nationale; c'est encore, sous sa plume, une institution étatique de surveillance et de contrôle de l'ordre public. L'originalité de Beccaria ne réside pas dans une théorisation explicite du statut et du rôle de la police, mais dans la place qu'il lui accorde, implicitement, dans la nouvelle économie pénale en gestation: la "modération pénale" est conditionnée à la "certitude d'un châtiment". L'adoucissement de la pénalité repose sur les garanties de la poursuite criminelle et s'oppose à l'impunité. Cette idée simple a des conséquences immenses sur les réformateurs du droit de punir. Les révolutionnaires français, dès 1789, repensent les rapports entre police et justice envisagées comme deux institutions distinctes intervenant par étapes successives dans la chaîne pénale. La "police moderne" est née.

Dans de nombreuses villes de la seconde moitié du XVIIIe siècle, la réaction des autorités face aux populations migrantes et aux « gens sans aveu » semble constituer un tournant dans les conceptions policières traditionnelles. Sortir l’étranger de l’anonymat urbain qui le protège, débusquer les individus désaffiliés pour les contrôler, rendre connaissables ceux que la proximité vicinale ne permet plus d’identifier : les projets en forme de « mémoires », plus ou moins réalistes, plus ou moins ...

Les réflexions et les débats suscités en Europe, dans le dernier tiers du XVIIIe siècle, par la police, l’agencement de ses dispositifs, ses fonctions, ses techniques et modes opératoires, ont nourri la rédaction de nombreux textes, des « mémoires », dans lesquels faiseurs de projets, réformateurs ou amateurs éclairés, impliqués à des degrés divers dans les appareils de police ou d’autres branches de l’administration, avancent des propositions amélioratrices. Leur étude nous renseigne sur les pratiques et les conceptions de l’ordre comme sur les savoirs administratifs et les cultures de gouvernement qui les fondent. Les études réunies ici font suite au volume sur Les Mémoires policiers (1750-1850) (dir. par V. Milliot, PUR, 2006) centré sur l’espace français. Par son ouverture aux grandes cités d’Europe, ce nouvel ouvrage, jalon dans un chantier de l’histoire des polices en pleine effervescence, aborde la question de la circulation des modèles, des idées et des textes à un moment fondateur pour la genèse de la police moderne, entendue comme institution cardinale de régulation sociale.

Nel 1764, Cesare Beccaria pone all'ordine del giorno del riformismo europeo la questione della moderazione penale condizionandola all'effettivo perseguimento dei colpevoli di reati. "Uno dei più gran freni dei delitti non è la crudeltà delle pene, ma l'infallibilità di esse, e per conseguenza la vigilanza dei magistrati, e quella severità di un giudice inesorabile". Com'è stato più volte dimostrato dalla storiografia, questo motto beccariano echeggia con grande successo nell'Europa del riformismo penale, dalla Toscana all'Inghilterra. Meno noto è invece il modo in cui la Rivoluzione francese ha elaborato, sulla scia del programma beccariano, una nuova grammatica concettuale per ridefinire la relazione tra polizia e giustizia. Aldilà della separazione istituzionale tra polizia e giustizia, considerata a partire del 1789 come un requisito costituzionale e approvato dal Code de procédure criminelle napoleonico del 1808, la Costituente francese rimodella il modo di pensare il procedimento penale ridefinendo la nozione stessa di polizia o adottando il neologismo francese "arrestation". I Costituenti – sulla base dei rapporti di Duport, Sieyès ed altri – attribuiscono alla polizia le funzioni "anté-judiciaire", preparando il terreno alla concettualizzazione della polizia giudiziaria moderna. La svolta concettuale introdotta dal lavoro rivoluzionario consiste nel considerare la polizia e la giustizia, non più come due ordini di realtà iscritte nella gerarchia del diritto, come in antico regime, ma come due fasi successive del processo penale.

Bras distincts d'un même appareil luttant contre les illégalismes, interdépendantes et emboîtées, la police et la justice sont différentes, parfois étrangères l'une à l'autre, voire opposées. D'où vient cette séparation du juge et du policier ? Quels sont les processus qui l'ont générée et quelles en sont les conséquences ? Entre 1750 et 1850, des Lumières à l'État libéral, autour de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (1789), de la Révolution française et de la codification napoléonienne, se nouent les enjeux fondamentaux d'une relation complexe. Redéfinition des concepts, autonomisation des pouvoirs de police, déclin de la police juridictionnelle, montée en puissance de la police judiciaire, promotion des libertés individuelles en témoignent. Cette introduction générale au livre collectif veut souligner les soubassements historiques d'une relation entre police et justice qui ne cesse de tarauder les démocraties contemporaines.

International audience; Bras distincts d’un même appareil luttant contre les illégalismes, interdépendantes et emboîtées, la police et la justice sont différentes, parfois étrangères l’une à l’autre, voire opposées. D’où vient cette séparation du juge et du policier ? Quels sont les processus qui l’ont générée et quelles en sont les conséquences ?Entre 1750 et 1850, des Lumières à l’État libéral, autour de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789), de la Révolution française et de la codification napoléonienne, se nouent les enjeux fondamentaux d’une relation complexe. Redéfinition des concepts, autonomisation des pouvoirs de police, déclin de la police juridictionnelle, montée en puissance de la police judiciaire, promotion des libertés individuelles en témoignent.Au-delà des lois et des codes de procédure, ce livre observe les tensions et les défiances qui se font jour en divers lieux dans ce moment inaugural de l’émergence de l’État de droit. Entre doctrine, institutions et pratiques, les études réunies ici tentent de révéler les soubassements historiques d’une relation entre police et justice qui ne cesse de tarauder les démocraties contemporaines.

En 1782, le principe de la numérotation des maisons s'impose à Genève en tant que dispositif de police urbaine. Cet article propose une analyse dense de ce moment inaugural. Qu'est-ce qui pousse les autorités de la ville à adopter un tel outil de gouvernement ? Quel système de numérotation choisir et pour quel coût ? Quelles sont les réactions des citadins qui ne sont nullement consultés sur cette innovation de l'administration urbaine ? Les archives genevoises permettent de documenter les hésitations, les difficultés et les résistances qui ont caractérisé l'introduction de la numérotation des maisons, avant que celle-ci ne devienne une « chose banale » et que les incertitudes du commencement soient invisibles.