Cet exposé étant destiné à un public de non-spécialistes, nous avons d'abord rappelé comment s'aimante un matériau ferromagnétique et ce qu'est un processus d'aimantation. Puis, nous avons envisagé le cas le plus simple qu'il soit possible de réaliser expérimentalement qui est celui d'une paroi de Bloch à 180° unique, se déplaçant dans un milieu monocristallin aléatoirement perturbé. Pour cela, nous avons utilisé un cadre de Fe-Si dont les côtés sont parallèles aux axes de facile aimantation. Le problème a un double caractère aléatoire. Le premier est dû à l'existence de défauts, répartis au hasard, qui gênent le déplacement de la paroi ; le second tient à l'agitation thermique. Son action sur les moments élémentaires est génératrice d'un champ aléatoire fluctuant, pouvant s'ajouter ou se retrancher au champ appliqué et permettre de ce fait à la paroi le franchissement d'obstacles que le champ seul n'aurait pas permis. Même dans un cas aussi idéalement simple, les mécanismes réels ont une certaine complexité. Pour une excursion de champ donnée, on peut observer deux modes de déplacement irréversibles de la paroi en fonction de la vitesse qui lui est imposée, ou de la température. La paroi peut se déplacer en bloc comme une membrane rigide, ses déplacements sont alors toujours supérieurs à son épaisseur. Le bruit Barkhausen est celui d'un régime de grands sauts. Le modèle de la fonction potentiel s'applique : il est possible de reconstituer V(x), de déterminer la statistique des pentes aux points d'inflexion, leur corrélation et de montrer que pour des déplacements supérieurs à environ dix fois l'épaisseur de la paroi, on perd la propriété de conservativité. La paroi peut également se déplacer localement par petits morceaux en mettant à profit ses degrés de liberté interne. C'est le régime des petits sauts de Barkhausen. Le modèle de la fonction potentiel ne s'applique plus tel quel. Le passage de l'un à l'autre régime peut s'effectuer à température constante en augmentant la vitesse de déplacement de la paroi. On observe d'abord un régime de petits sauts indépendants ; pour une première vitesse critique, apparaissent des événements corrélés : c'est le régime des grands sauts. En continuant d'augmenter la vitesse, il apparaît un nouveau régime de petits sauts. La première transition a le caractère d'une instabilité. La seconde présente des analogies avec l'apparition de la turbulence en hydrodynamique. On observe les mêmes phénomènes à vitesse constante en faisant décroître la température. L'évolution du cycle rectangulaire élémentaire en fonction du nombre de cycles décrits montre que le système s'adapte aux contraintes qui lui sont imposées. L'ensemble de ces faits s'éclaire d'un jour nouveau si l'on remarque que le système étudié est non linéaire, doué d'hystérésis et hors d'équilibre. Après un bref rappel du travail de Bonnet, qui nous a permis d'en dégager les hypothèses physiques, nous avons fait une analyse critique du modèle de la fonction potentiel. Nous avons enfin décrit un autre aspect des phénomènes à partir de l'étude de la force exercée par les défauts du réseau sur la paroi. Nous avons pu aussi introduire la notion d'homothétie interne dans les déplacements d'une paroi de Bloch. L'étude de l'influence des fluctuations thermiques sur le déplacement d'une paroi de Bloch, dans le cas particulier où celle-ci est soumise à un champ voisin du champ coercitif, c'est-à-dire à une force presque suffisante pour qu'elle se décroche de tous les obstacles, nous a permis de préciser leur rôle, certaines grandeurs qui leur sont attachées (échelles de temps et d'espace caractérisant les processus d'aimantation, volume d'activation), des caractéristiques de la paroi (flexibilité) ou des imperfections du cristal (obstacles). Cette dernière notion nous a conduits à généraliser le concept de fonction potentiel au cas de la paroi flexible. Dès lors, on ne peut pas considérer l'agitation thermique comme une petite perturbation, mais comme un paramètre physique essentiel que doit prendre en compte tout modèle réaliste de déplacement de paroi. Des méthodes statistiques simples appliquées aux séquences de sauts Barkhausen nous ont permis de tirer des conclusions physiques intéressantes sur les mécanismes d'aimantation. Mais, quoique le bruit Barkhausen soit toujours le reflet de ces mécanismes, il paraît extrêmement difficile, dans un cas plus complexe comme celui d'un polycristal, de remonter de ses caractéristiques aux causes qui l'ont produit. Il nous semble, sur deux points au moins, qu'il soit possible d'utiliser des méthodes statistiques plus élaborées que celles que nous avons employées. Le premier point étant la recherche d'une ressemblance entre séquences de sauts correspondant à des déplacements de la paroi d'amplitude de plus en plus grande. On pourrait ainsi avoir des informations sur la manière dont on perd la propriété de conservativité. Le second est l'élaboration d'un modèle statistique des séquences de sauts Barkhausen à partir des résultats expérimentaux.