1. Les thérapies d'affirmation de genre : activité médicale et normativation du sujet.
- Author
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Bonny, Pierre, Dumoulin, Quentin, and Peoc'h, Mickaël
- Subjects
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GENDER dysphoria , *PATHOLOGICAL psychology , *PSYCHOANALYSIS , *TRANSSEXUALISM , *GENDER identity - Abstract
L'objectif de l'article est de questionner aux niveaux théorique et clinique les thérapies d'affirmation de genre. Elles sont en effet présentées dans le DSM-5-TR comme les seules thérapies possibles de la dysphorie de genre, et nous démontrons que cela est discutable du point de vue de l'interaction entre l'activité médicale et la clinique du sujet, ainsi que du point de vue de l'évolution des modèles psychopathologiques de traitement des problématiques liées au genre, cela notamment au regard des données psychanalytiques (diagnostics, processus et thérapeutiques associés). Notre méthode articule une analyse de la littérature et deux cas cliniques. D'abord, nous étudions les évolutions diagnostiques du transsexualisme à la dysphorie de genre dans le champ de la psychopathologie et de la psychanalyse. Ensuite, nous présentons deux cas cliniques de patients ayant envisagé ou engagé une transition. Puis, nous étudions l'activité médicale impliquée dans les thérapies d'affirmation de genre, à partir des thèses de Canguilhem. Le DSM-5-TR a une conception réductrice et contradictoire de la dysphorie : il en situe implicitement la cause et la solution dans le milieu social, sans prendre en compte l'interaction avec le patient. Les théories psychanalytiques ont au contraire maximisé les potentialités de cette interaction, permettant ainsi d'argumenter l'intérêt psychothérapeutique de la réassignation (ou affirmation) de genre, mais aussi d'en démontrer les limites, en tenant compte notamment de la position subjective du sujet dans sa structure psychique. La réassignation se présente comme une normativation de la dysphorie par les traitements médicaux. Or, la normativation doit plutôt être comprise comme le processus par lequel le sujet établit une norme de genre qui lui est spécifique et qui lui permet de traiter sa dysphorie, en faisant un usage singulier des protocoles médicaux de réassignation. Du fait de l'interaction entre le sujet et son milieu, la normativation n'est pas une adaptation à la réalité extérieure ou sociale, mais implique que le second soit aussi modifié par le premier. On ne peut donc souscrire à la thèse du DSM-5-TR selon laquelle la dysphorie n'aurait qu'une seule thérapeutique possible prédéfinie, systématique et généraliste. La dimension clinique interne à l'activité médicale suppose en effet que la souffrance des patients précède la formalisation qui peut en être faite, et que les dispositifs médicaux sont conçus et appliqués secondairement à une diversité de configurations psychopathologiques. C'est d'ailleurs ce que démontrent les cas et l'histoire des idées et des pratiques présentés. La normativation des patients s'applique à leur environnement incluant les thérapeutiques, lesquelles sont donc appelées à être modifiées et diversifiées. The objective of this article is to question gender-affirming therapies at the theoretical and clinical levels. They are, in fact, presented in the DSM-5-TR as the only possible therapies for gender dysphoria; we demonstrate that this is questionable from the point of view of the interaction between medical activity and clinical practice with the subject, as well as from the point of view of the evolution of psychopathological models of treatment of gender-related issues, particularly with regard to psychoanalytic data (diagnoses, associated processes and therapies). Our method combines an analysis of the literature and two clinical cases. First, we study diagnostic developments from transsexualism to gender dysphoria in the field of psychopathology and psychoanalysis. Next, we present two clinical cases of patients who have considered or initiated a transition. Then, we study the medical activity involved in gender-affirming care, based on Canguilhem's theses. The DSM-5-TR has a reductive and contradictory conception of dysphoria: it implicitly locates the cause and the solution in the social environment, without taking into account the interaction with the patient. Psychoanalytic theories have, on the contrary, maximized the potential of this interaction, thus making it possible to argue the psychotherapeutic interest of gender reassignment (or affirmation), but also to demonstrate its limits, in particular by taking into account the subjective position of the subject in its psychic structure. Reassignment presents itself as a normativation of dysphoria by medical treatments. However, normativation must rather be understood as the process by which subjects establish gender norms that are specific to them and which allow them to treat their dysphoria, by making specific use of medical reassignment protocols. Due to the interaction between subject and environment, normativation is not an adaptation to external or social reality, but implies that the latter is also modified by the former. We cannot therefore subscribe to the thesis of the DSM-5-TR according to which dysphoria has only one possible predefined, systematic, and general treatment. The internal clinical dimension of medical activity assumes that the suffering of patients precedes the formalization that can be made of it, and that medical tools are designed and applied secondarily to a diversity of psychopathological configurations. This is also what the cases and the history of the ideas and practices presented demonstrate. The standardization of patients applies to their environment including therapies, which therefore should be modified and diversified. [ABSTRACT FROM AUTHOR]
- Published
- 2024
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