À l’opposé d’Emmanuel Kant, dont la Critique de la raison pure soutenait que, fondés sur les formes mêmes de l’intuition sensible, les jugements arithmétiques et géométriques sont tout à la fois synthétiques (donc informatifs) et vrais a priori, Bernard Bolzano, et à sa suite tout le courant logiciste (de Frege à Carnap), affirme que seule l’analyse logico-conceptuelle est susceptible de fonder la généralité des énoncés et démonstrations mathématiques.Quoiqu’étant lui aussi un des pères de la logique formelle contemporaine, Charles Sanders Peirce fournit pour sa part des motifs sémiotiques de penser que Kant avait raison et que les diagrammes sont bien vecteurs de significations générales qui leur permettent de fonder des connaissances nécessaires et néanmoins non triviales. Contrairement à leur simple analyse logique, la représentation visuelle des concepts dans des schèmes ou diagrammes favorise l’exploration de ces concepts en mettant en évidence certains de leurs « à côté » tant et si bien qu’un savoir nouveau est engrangé : « diagrams evolve what was involved ». C’est pourquoi, conformément à l’idée kantienne de construction intuitive, la démarche mathématique inférentielle n’est pas purement déductive mais bien inventive et amplificatrice (ampliative).Après avoir brièvement rappelé les termes du débat autour du caractère analytique ou synthétique a priori des mathématiques, l’article s’efforce d’identifier les vertus iconiques des diagrammes qui expliquent cette productivité épistémologique aux yeux de Peirce.Un premier élément tient dans la nature « formelle » des icônes, qui leur permet d’exprimer les relations syntaxiques entre composantes descriptives (symboles) et démonstratives (indices) d’informations structurées. À cet égard, dit Peirce, même les expressions algébriques ou idéographiques sont des icônes faisant apparaître une forme générale – le « rhème » – dans laquelle les places des indices peuvent être occupées par des variables « x » ou « y » ayant valeur d’« individu quelconque ». C’est pourquoi, même s’ils sont toujours singuliers, les diagrammes sont des « abstractions » au sens où ils représentent, non des termes singuliers, mais leurs rapports.C’est alors seulement dans cette première perspective qu’apparaît clairement l’intérêt de ce second élément essentiel des diagrammes, à savoir leur bi-dimensionnalité, qui permet d’exhiber des relations nettement plus complexes que pourraient le faire des expressions linguistiques linéaires. Cet aspect, sur laquelle la sémiotique visuelle a beaucoup insisté, doit impérativement être compris à la lumière (sémiotico-logique) du précédent.Enfin, troisièmement, il importe de mesurer le rôle de la dimension imaginaire, non référentielle, des diagrammes. Les icônes connotent sans dénoter. Et c’est pourquoi elles peuvent être informatives sans que ces informations se limitent à porter sur des individus singuliers. Bien plus, cette dimension non référentielle des icônes est ce qui leur permet de se prêter à des manipulations exploratoires virtuelles permettant d’envisager et d’investiguer des possibilités qui à leur tour nous renseignent sur des propriétés non apparentes de la configuration actuellement visible. In his Critique of Pure Reason, Immanuel Kant claimed that, being grounded on the forms of sense intuition, arithmetic and geometric propositions are both synthetic (i.e. informative) and a priori true. Bernard Bolzano, followed by the logicist movement (from Gottlob Frege to Rudolf Carnap), answered that the generality and necessity of mathematical propositions and proofs can only be grounded on conceptual analysis.Even though, like Frege, Charles Sanders Peirce is one of the fathers of formal logic, he provides some semiotic reasons to think that Kant was right: diagrams do convey general meanings and provide some knowledge which is necessary and not trivial. Unlike logical analysis, visual presentation of concepts in schemas or diagrams helps to explore concepts by stressing some of their “side” features in such a way that enables new knowledge to be acquired: “diagrams evolve what was involved”. This is why, according to Kant’s notion of intuitive construction, mathematical inferences are not merely deductive but are also inventive and ampliative.The paper aims at identifying some iconic virtues of diagrams which, according to Peirce, explain their epistemic productivity.A first one lies in the “formal” nature of icons, which allows them to express syntactic relations between descriptive (symbols) and demonstrative (indices) components of structured information. In this respect, even algebraic and ideographic expressions are icons exhibiting a general form – a “rheme” – in which places for indices are filled with variables “x” and “y”, meaning “any individual object”. For this reason, even though they are singular, diagrams are “abstractions” in the sense that they represent relations rather than their terms.Only from this perspective can a second, and more studied, feature of diagrams be considered significant, namely their two-dimensionality, which serves to represent complex relations that cannot be seen in linear linguistic expressions.Finally, a third feature of diagrams lies in their imaginary rather than referential nature. Icons connote without denoting, and therefore they can be informational without this information being limited to singular individuals. Furthermore, this non-referential nature of icons is what makes them open to virtual exploratory manipulations that allow one to consider and investigate possibilities which, in turn, inform us on less obvious properties of the presently visible configuration.