Sur mille nouveaux cancers diagnostiques, 400 concernent des personnes ayant une activite professionnelle. Les perspectives de guerison et de survie evoluent tres favorablement pour nombre de cancers, meme si le pronostic demeure encore mauvais pour certaines localisations cancereuses. Mais malgre les innovations therapeutiques, le cancer reste une epreuve difficile physique et psychologique avec des repercussions sur la vie professionnelle encore peu connues. A 5 ans du diagnostic, deux tiers des personnes estiment souffrir de sequelles, notamment fatigue et douleurs chroniques. Si la qualite de vie des personnes evolue favorablement a distance du diagnostic pour certaines localisations cancereuses, elle reste degradee pour d’autres comme le poumon. Cinq ans apres un diagnostic de cancer, 48,8 % des hommes et 52,6 % des femmes se sentent limites dans leur activite. Ces proportions sont nettement plus elevees que celles observees en population generale, en particulier parmi les moins de 55 ans. En revanche, elles sont moindres que celles observees a deux ans du diagnostic. Toutefois, cette amelioration subjective renvoie sans doute au moins en partie a un phenomene d’adaptation aux limitations vecues ; 63,5 % des personnes declarent avoir conserve des sequelles de leur maladie ou des traitements, sequelles qu’elles jugent tres importantes (6,4 %), importantes (16,4 %), moderees (26,2 %) ou tres moderees (14,5 %) : 39,5 % des femmes rapportent des troubles genitaux ou sexuels, tandis que les troubles de l’audition, de l’attention et de la memoire affectent respectivement 39,7 %, 35,9 % et 67,7 % des personnes interrogees. S’y ajoutent encore les modifications percues de l’image du corps, les troubles moteurs ou de la vision, ainsi que des sequelles specifiques a telle ou telle localisation. 48,7 % des personnes rapportent une fatigue cliniquement significative, les femmes plus souvent que les hommes (56,5 % versus 35,7 %). Cette fatigue est egalement plus frequente parmi les personnes de moins de 50 ans et chez celles qui estiment que la situation financiere de leur menage est difficile. La frequence de la fatigue est egalement liee a la localisation du cancer, et elle depasse 50 % pour le col de l’uterus (64,3 %), le poumon (59,4 %), le sein (57,2 %), la thyroide (55,8 %) et les voies aerodigestives superieures (VADS) (53,1 %). Trois personnes sur quatre souffrent de douleurs chroniques qui perturbent leur vie quotidienne. Concernant les personnes âgees de 18 a 52 ans au diagnostic, 46,1 % estiment que les douleurs qu’elles ressentent les ont obligees a limiter leurs activites professionnelles. Cette proportion est maximale pour les personnes atteintes d’un cancer du poumon. Les enquetes VICAN 2 (2014) et VICAN 5 (2018) analysant la situation des personnes 2 et 5 ans apres un diagnostic de cancer fournissent des resultats epidemiologiques qui permettent de mieux apprehender la situation professionnelle de ces patients. A 2 ans, le taux d’emploi passe de 82 % a 61,1 % et le taux de chomage de 7 a 11 %. Une personne sur trois quitte ou perd son emploi contre une sur six en population generale et parmi les personnes au chomage au moment du diagnostic, seule une sur trois retrouve un emploi. Deux ans apres un diagnostic de cancer, il existe une degradation de la situation professionnelle des personnes touchees, qui est socialement differenciee, les personnes les plus vulnerables sur le marche de l’emploi etant davantage impactees par la maladie. A 5 ans, on observe une baisse concomitante du taux d’activite (de 94,2 % a 83,9 %) et du taux d’emploi (de 87,3 % a 75,9 %). Seule une personne sur huit ne travaillait pas au moment du diagnostic, contre une personne sur quatre cinq ans plus tard. Dans le meme temps, la part de personnes au chomage a augmente de 2,2 points (9,5 % des actifs sont chomeurs en 2015 contre 7,3 % cinq ans auparavant). Or, sur la meme periode, le taux de chomage est reste stable en population generale. La sortie de l’emploi constatee a cinq ans du diagnostic a majoritairement eu lieu au cours des trois dernieres annees, mettant en evidence un effet a moyen terme de la maladie. La baisse du taux d’emploi coincide avec une forte augmentation du taux d’invalidite (0,8 % au diagnostic, 9,3 % cinq ans plus tard). La part des personnes a temps partiel a augmente de 5 points depuis le diagnostic, alors qu’elle est restee stable en population generale. Ces pertes d’emploi aggravent les inegalites sociales, puisqu’elles touchent davantage les plus vulnerables. La situation professionnelle a cinq ans du diagnostic depend de la localisation du cancer : la baisse du taux d’emploi et la hausse du chomage sont ainsi particulierement fortes pour les personnes atteintes d’un cancer du poumon. La perte d’emploi a cinq ans touche davantage les moins diplomes, les moins de 40 ans et les plus de 50 ans, ceux qui exercent un metier dit d’execution (agriculteurs), ainsi que ceux qui ont un contrat de travail precaire. Les travailleurs independants sont moins touches que les salaries. Parmi les personnes en emploi au diagnostic, 62,7 % ont un amenagement de leurs conditions de travail au cours des cinq ans et s’en declarent majoritairement satisfaites. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes a avoir eu au moins un amenagement, ainsi que les personnes initialement a temps plein, les salaries du secteur public et les personnes en contrat a duree indeterminee. Les independants ont quant a eux moins recours a ces menagements. Parmi les personnes en emploi au diagnostic, 77 % ont eu au moins un arret-maladie d’un mois ou plus, au cours des cinq annees qui ont suivi. En moyenne, cet arret a commence 6 mois apres le diagnostic et a dure 10,2 mois. Les arrets maladie sont moins frequents pour les localisations considerees comme de meilleur pronostic, ainsi que pour les personnes n’ayant pas ete traitees par chimiotherapie. Ils sont plus rares parmi les travailleurs independants, les cadres superieurs, les salaries en contrat a duree determinee et ceux exercant dans de tres petites entreprises. Enfin, ils sont plus frequents chez les femmes, les personnes les plus jeunes, celles dont le foyer a un niveau de revenus faible ou intermediaire. Parmi les personnes en emploi au moment du diagnostic, 24,0 % ont connu un temps partiel therapeutique. Celui-ci est intervenu a l’issue d’un arret-maladie, en moyenne un peu plus d’un an apres le diagnostic, pour une duree de 4 mois avant une reprise d’emploi. Le recours au temps partiel therapeutique depend aussi des caracteristiques socioprofessionnelles et medicales des personnes, et les femmes y ont eu plus souvent recours que les hommes (25,9 % versus 18,2 %). Les personnes qui ont ete en temps partiel therapeutique a la suite d’un cancer se trouvent plus souvent en emploi cinq ans apres le diagnostic (84,6 %, versus 68,0 % pour celles qui n’en ont pas beneficie). Le recours a ce dispositif est egalement associe a une reprise de l’emploi plus rapide. Peu d’etudes de bonne qualite ont analyse des dispositifs permettant d’ameliorer le retour au travail. Une revue de la litterature recemment publiee retrouve seulement 19 etudes, la plupart portant sur la prise en charge de la qualite de vie et de l’etat psychologique des patients pour ameliorer le retour a l’emploi, Seuls 3 interventions ont comme criteres le taux de retour a l’emploi et la qualite de l’emploi. Ces differentes etudes seront analysees au cours du colloque.