Ce chapitre a pour objet le processus de partage entre biens de luxe et produits de première nécessité enclenché par la Révolution, dans le contexte dirigiste d’une économie de guerre (maximum, prohibitions, fermeture des frontières, réquisitions), observé à travers les débats parlementaires, les arrêtés du comité de salut public, lois ou décrets des années 1792-1794, les requêtes des négociants, les rapports des commissaires observateurs. D’origine à la fois politique et économique, ce partage fluctuant au gré de la conjoncture et des parlementaires a eu des incidences fortes sur l’organisation des échanges et sur le marché du luxe ; sucre, café, vins et liqueurs, papiers peints… passent d’un statut à l’autre. Deux points majeurs ressortent de l’analyse. Premier point, en dépit des contraintes et des tensions, les échanges entre les hommes politiques et les entrepreneurs demeurent constants, ce qui repose sur la faculté d’écoute des uns, liée à la culture libérale du milieu, et la faculté de réaction et d’adaptation des autres. Second point, les frontières entre nécessité et luxe, loin d’être rigidifiées par la Révolution, restent mouvantes pour au moins deux raisons : d’une part, la question des subsistances se pose dans une société marquée par la culture de consommation et, d’autre part, la Révolution, dans un contexte très critique de pénurie, a défendu elle-même les exportations de luxe, sources de devises indispensables pour financer la guerre. This chapter considers the process of differentiation between luxury goods and staple products set in motion by the Revolution, in the interventionist context of a war economy (the ‘maximum’, prohibitions, the closure of borders, requisition), as seen through parliamentary debates, decisions of the Committee of Public Safety, laws and decrees of the years 1792–94, requests from traders, and reports from police observers of public opinion (the commissaires observateurs). Originating in both political and economic concerns, this differentiation shifted in line with circumstances and with given politicians’ influence, and had major repercussions on the organisation of exchange and the luxury market; sugar, coffee, wines and liqueurs, wallpaper, etc., shifted from one categorisation to the other. Two main issues emerge from this analysis. First, despite constraints and tensions, exchanges between politicians and entrepreneurs remained constant, stemming from the attentiveness of the former, linked to their milieu’s liberal culture, and the reactiveness and adaptiveness of the latter. Second, the boundary between necessity and luxury, far from being rigidified by the Revolution, remained changeable for at least two reasons: on the one hand, the question of subsistence arose within a society marked by the culture of consumption; and, on the other hand, the Revolution, in a very critical juncture of penury, itself championed luxury exports as an indispensable source of currency to finance the war.